C’est quoi, être de gauche ? Philippe Corcuff : « Repenser les traditions émancipatrices »
**Philippe Corcuff** , sociologue, militant de la Fédération anarchiste.
dans l’hebdo N° 1325 Acheter ce numéro
Ni nostalgisme du « c’était mieux avant » ni « table rase » du passé, être de gauche aujourd’hui suppose de repenser les traditions émancipatrices en fonction des enjeux actuels :
– La critique sociale doit être réarrimée à l’émancipation, car, dans la tentative de mainmise du néoconservatisme xénophobe (Zemmour, Soral, etc.), elle tourne autour de l’ego de ses énonciateurs et perd sa boussole éthique et politique.
– La visée émancipatrice implique, dans nos sociétés individualistes, d’associer autonomie individuelle et justice sociale, reconnaissance personnelle et solidarité collective, réalisation de soi et biens communs.
– Nos engagements locaux, nationaux et mondiaux doivent enrichir les connexions avec l’horizon de « l’Internationale sera le genre humain », et non les enrayer, tout particulièrement dans un contexte de montée des nationalismes xénophobes.
– L’ampleur des pollutions et le dérèglement climatique imposent la question écologiste comme un des axes d’une identité de gauche.
– Les inégalités de classe, les discriminations sexistes, racistes et homophobes fabriquent la question sociale de notre temps. Face à l’ethnicisation négative portée par le « postfascisme » du FN, intégrons le « sociétal » dans une question sociale élargie.
– L’idéal démocratique d’autogouvernement des collectivités humaines appelle une critique libertaire radicale des régimes représentatifs professionnalisés, et donc l’abandon de la figure de « l’homme providentiel ».