La liberté du lecteur (À flux détendu)
« Que peut (encore) la littérature ? » Quand celle-ci se trouve absorbée par le spectacle généralisé, pas grand-chose, aurait-on tendance à penser.
dans l’hebdo N° 1322 Acheter ce numéro
Il est des questions éternelles aux réponses trop évidentes qui, du coup, méritent d’être reposées. Telle est celle qui s’affiche sur la couverture du dernier numéro de la Nouvelle Revue française, daté de septembre (Gallimard, 180 p., 22 euros) : « Que peut (encore) la littérature ? » Quand celle-ci se trouve absorbée par le spectacle généralisé, pas grand-chose, aurait-on tendance à penser.
Pour ne pas succomber à cette conclusion hâtive, qui irait conforter l’air du temps, les animateurs de la NRF, Stéphane Audeguy et Philippe Forest, ont construit ce numéro à partir d’un flash-back. Un retour de 50 ans en arrière, le 9 décembre 1964 exactement, alors que Sartre participait à une table ronde avec d’autres écrivains sur la même thématique : « Que peut la littérature ? » Le texte de Sartre, introuvable mais réédité ici, est passionnant. S’il reprend pour les contrer les arguments des tenants d’un art réflexif, dont seule la forme pourrait être révolutionnaire, il affine ses conceptions d’une littérature engagée, beaucoup plus subtiles que la vulgate qui en a été tirée.
Il s’agit, pour Sartre, d’exacerber la liberté du lecteur, apte, dès lors, à se saisir des significations du monde, même si celui-ci reste obscur. Loin des postures des « bonnes consciences », comme les nomme Philippe Forrest, qui de nos jours nourrissent leurs livres de la dénonciation des injustices, en gardant vis-à-vis d’elles une distance prophylactique. Cette émancipation du lecteur est ce que peut encore (et toujours) la littérature. C’est ce qu’expriment à leur manière des écrivains d’aujourd’hui : François Beaune, Scholastique Mukasonga ou Édouard Louis. Ou encore Michel Deguy, en ces mots incisifs : « Ce que peut le parler en langue(s) : lutter contre tous les “éléments de langage”, les indurations terribles où il se pétrifie. La “déconstruction” est la vie de la pensée. La parole est faite pour la transgression. »
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