Le déclin du PCF était-il fatal ?
Roger Martelli interroge les choix des dirigeants communistes en 1984.
dans l’hebdo N° 1323 Acheter ce numéro
À l’été 1984, les dirigeants communistes, Georges Marchais en tête, ont-ils manqué une occasion d’interrompre le déclin de leur mouvement ? Pourquoi et comment ont-ils, à cet instant, fait le choix mortifère du repli ? À la fois historien et témoin en première ligne du débat qui a agité, en juin 1984, les hautes sphères du PCF, Roger Martelli nous plonge dans cet épisode peu connu de notre histoire politique.
Avec le désastre électoral des européennes du 17 juin (le PCF ne recueille que 11 % des voix), le doute fait son entrée au comité central. Claude Poperen et le philosophe Lucien Sève, les premiers, posent les questions dérangeantes. Pierre Juquin parle de nécessaire « rénovation », avant que ne surgissent « reconstructeurs » et autres « refondateurs », tous finalement voués à la marginalisation. Le débat fait rage. Marchais est ébranlé, avant d’opter pour le repli, alimenté par les sempiternelles théories du complot. En vérité, le comité central est divisé entre ceux qui inscrivent l’échec électoral dans une continuité inaugurée avec la signature du programme commun en 1972 et ceux qui veulent croire à un dégât collatéral de la participation des communistes au gouvernement de Pierre Mauroy, de 1981 à 1984. Les premiers voient les prémices d’un déclin historique, les seconds les effets d’un événement conjoncturel. Documents à l’appui, Roger Martelli restitue cet affrontement, dont le récit met à mal l’idée d’un parti qui ne connaîtrait que l’unanimité. C’est finalement « la peur du mouvement » qui l’emporte. Georges Marchais « gère l’héritage en rentier », commente Martelli. Mais le sort du PCF ne se joue pas seulement place du Colonel-Fabien. La crise vient de plus loin. L’historien remonte au milieu des années 1950, quand Maurice Thorez proclamait contre toute évidence que l’ouvrier continue de s’appauvrir « de façon absolue », alors que la France était entrée dans trois décennies de consommation de masse. Et que le salariat, minoritaire en 1936, était devenu largement majoritaire.
Bien en amont de 1984, le PCF avait refusé de prendre acte des bouleversements sociologiques. C’est ce décalage qui finira par le marginaliser. Martelli en vient à analyser les causes sociales – « recul du monde ouvrier et éclatement des catégories populaires » – et bien sûr les causes idéologiques de la crise du parti – « effondrement du modèle soviétique, affaissement des projets d’alternative au capital » – pour s’interroger sur le moment présent. Interrogeons-nous avec lui sur la nécessité de nouveaux instruments politiques, plus nécessaires que jamais, alors qu’à l’inverse des Trente Glorieuses nous sommes en pleine régression sociale. Un bon livre d’histoire nous parle toujours de demain.