« The Tribe », de Myroslav Slaboshpytskiy : Bande à part
Dans *The Tribe,* de jeunes sourds et muets sont bourreaux et victimes.
dans l’hebdo N° 1321 Acheter ce numéro
The Tribe est réalisé avec des sourds et muets dans la langue des signes sans que celle-ci soit sous-titrée. Le film relève ainsi du muet, mais pas à la manière d’un « revival » souvent sans nécessité. Son absence d’oralité, qui ne signifie pas absence de sons, est de plain-pied dans le contemporain. Cette langue est aussi l’affaire d’une « tribu » ( « The Tribe » ), celle des sourds et muets, vivant au cœur de la société tout en en étant un peu à part. En réalité, le caractère exceptionnel de The Tribe, premier long métrage de l’Ukrainien Myroslav Slaboshpytskiy, tient au milieu qui y est montré : celui d’une bande de jeunes malfrats, dans un internat de sourds et muets, qui font régner la violence et la terreur. Le jeune Serguei y débarque avec une innocence vouée à être vite perdue.
Cette bande – qui est aussi une tribu sauvage –ne fonctionne qu’à la contrainte et à la relation d’intérêt. Une chaîne mafieuse régit les relations hiérarchiques : des adultes manipulent les meneurs de la bande, qui se servent des plus jeunes pour leurs basses œuvres. À l’échelon inférieur : les filles. Quand les garçons rançonnent des passants, celles-ci sont soumises à la prostitution. Tournant en plans-séquences, le cinéaste a opté pour un naturalisme qui rend certaines séquences très impressionnantes – mais jamais voyeuristes, car nécessaires. C’est le cas de la longue scène de l’avortement de l’une des filles, Anna, qui doit rester clandestin, et donc être l’œuvre d’une faiseuse d’anges. The Tribe rejoint dans sa sécheresse réaliste celle de 4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Cristian Mungiu, tandis que ses choix de mise en scène font songer à Elephant, de Gus Van Sant. Des références qui ne doivent cependant pas recouvrir la singularité de ce film, qui s’inscrit dans le contexte de la société ukrainienne. Myroslav Slaboshpytskiy est désormais un cinéaste à suivre.