Transition énergétique : Bon cap, mais où est l’argent ?
En dépit de réelles avancées, la loi de transition énergétique reste fragile et à portée limitée. Le secteur des transports, notamment, est indigent.
dans l’hebdo N° 1323 Acheter ce numéro
La loi votée en première lecture par les députés impose à la France, d’ici à 2030 et en référence à 1990, – 20 % de consommation d’énergie (et – 50 % en 2050), – 40 % d’émissions de gaz à effet de serre (et – 75 % en 2050, objectif déjà inscrit), 32 % de sources renouvelables dans la production d’énergie. La réduction des consommations est une nouveauté importante, acquise contre la volonté des milieux industriels. Cependant, le cap général affiché manque d’ambition, contribuant de 25 à 43 % seulement aux défis climatique et énergétique, selon le « transitiomètre » tenu par des associations tout au long des débats [^2].
Déception au chapitre social : les 20 % de foyers français touchés par la précarité énergétique devront se contenter principalement d’un « chèque énergie » qui pourra aider au paiement des factures (gaz, électricité, fioul, bois, etc.). Aucun plan spécifique d’isolation de leurs logements, souvent des « passoires énergétiques ». Le secteur du bâtiment (50 % de l’énergie brûlée en France) est pourtant le mieux loti de la loi, qui endosse l’engagement du Président de rénover thermiquement 500 000 logements par an. L’innovation : l’instauration pour ces travaux du tiers payant, un prêt à bas taux dont les banques n’auront pas le monopole. Cependant, regrettent les associations, le niveau de performance visé par ces rénovations n’est pas précisé. L’industrie est peu concernée par la loi, qui ne lui impose pas d’objectif de réduction nette des consommations. Nouveauté, l’obsolescence programmée devient punissable. Mais avec quelle sévérité ? Et comment démontrer le délit ? De plus, 60 % des déchets devront être recyclés en 2025, mais aucune précision sur cette mesure ambitieuse, comme pour d’autres, dans cette loi-cadre dont la portée réelle dépendra beaucoup des nombreux décrets et arrêtés qu’elle appelle. Quant au secteur des transports, il est indigent (12 % au transitiomètre). La loi mise essentiellement sur le véhicule électrique [^3], alors que Ségolène Royal provoquait un tollé, jeudi dernier, en annonçant l’abandon de l’écotaxe poids lourds. Facture : au moins deux milliards d’euros de manque à gagner, pour un prélèvement qui devait financer les infrastructures de transport collectif.
Le satisfecit principal provient des énergies renouvelables (59 % au transitiomètre), dont l’essor sera facilité par des autorisations simplifiées ou l’ouverture à la participation des citoyens. En revanche, la loi ne renforce pas la contribution climat-énergie (taxe sur le diesel, notamment), relâchant la pression sur les énergies fossiles. Sur le nucléaire, au-delà de l’engagement présidentiel (réduction de la contribution de la filière de 75 % à 50 %), le gouvernement reprend un peu d’autorité : il élaborera un plan d’investissement des moyens de production d’énergie, lequel s’imposera aux industriels, dont EDF. Concédée aux écologistes, une enquête publique sera déclenchée avant toute décision de prolonger un réacteur au-delà de 40 ans. Pourtant, la décision finale restera du ressort de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Et si la loi contient des dispositions permettant la fermeture de la centrale de Fessenheim avant 2017 (promesse de Hollande), rien ne l’évoque directement. Note finale des associations, pour l’ensemble de la loi : 30 % de pertinence. Une transition sur le mode mineur, donc, et fragile : le Sénat, passé à droite, ne l’améliorera pas. Et il reste, pour la ministre de l’Écologie, à sécuriser les 10 milliards d’euros de son financement.
[^2]: Réseau action-climat (RAC), Cler, Ecofys, voir www.transitionenergetique.org
[^3]: Voir Politis du 9 octobre.