Industriels et écologistes à la barre

Dans les prochains jours, les tribunaux vont se prononcer sur le sort de la ferme des Bouillons, convoitée par le groupe Auchan, Interface Céréales et son silo de Bû, et Stephane Lhomme, poursuivi par Areva.

Lou-Eve Popper  • 13 novembre 2014 abonné·es
Industriels et écologistes à la barre
© Photo : Patrick Piro

La ferme des Bouillons, au nord de Rouen, est en ébullition. Les militants qui occupent les lieux depuis près de deux ans continuent de se battre pour y relancer le maraîchage et empêcher le groupe Auchan de raser la ferme [^2].

La ferme des Bouillons

Organisé pour soutenir la lutte, le festival de la Tambouille, qui a eu lieu sur le site en septembre, a été une grande réussite. Et la ferme vient tout juste d’ouvrir une bibliothèque participative. Mais les temps redeviennent orageux pour l’association de protection du site. Le 17 novembre, le tribunal de Rouen va ordonner ou non de mettre à exécution une procédure d’expulsion, alors que les militants avaient fait appel de cette procédure en octobre 2013. Face à Auchan, les résistants ont organisé leur défense. Ils savent que le maraîchage a pris de l’ampleur et comptent démontrer au juge qu’ils font vivre la ferme. Depuis juillet, les plantations de légumes, vendus tous les samedis après-midi à la ferme, permettent de rémunérer un maraîcher. Pour les militants, cette occupation est «   illégale mais légitime ». « On reste fermes ! » est le slogan de l’association, qui croit en sa bonne étoile. Et pour cause, puisque ses défenseurs ont déjà gagné plusieurs batailles. En janvier, la municipalité de Mont-Saint-Aignan a permis que le terrain redevienne une «   zone naturelle protégée   ». Immochan, la filière immobilière du groupe Auchan, a alors déposé un recours contre la ville. Mais pour que le terrain redevienne une «   zone à urbaniser », elle va devoir à nouveau récupérer une autorisation des élus locaux, lesquels soutiennent désormais les militants. Lorsque le jugement sera rendu, les activistes espèrent d’ici là être devenus propriétaires de la ferme. Pour ce faire, ils ont lancé en juin une souscription via l’association Terre de liens. Près de 400 citoyens se sont déjà engagés pour financer le rachat. Mais Immochan, qui en demeure le propriétaire à ce jour, n’est pas près de mettre le terrain en vente.

Silo de Bû

À Bû, petit bourg de l’Eure-et-Loir, un puissant groupe céréalier tente de construire un silo, considéré comme surdimensionné par les opposants [^3]. Le collectif Non au silo à Bû a déposé une plainte au tribunal administratif de Rouen, qui doit juger le 18 novembre de la pertinence d’un tel projet. L’affaire remonte au mois d’août 2012. À cette époque, la maire de Bû, Évelyne Lefebvre, décide d’accorder un permis de construire à la société Interface Céréales pour bâtir un silo d’une capacité de 12 000 tonnes. Une décision prise dans la plus grande discrétion, et le conseiller municipal François Fleurisson ainsi qu’une quarantaine d’habitants saisissent en référé le tribunal administratif d’Orléans. Ils sont déboutés, mais une plainte sur le fond est déposée par le collectif. En mars dernier, Évelyne Lefebvre est battue aux élections municipales par Pierre Sannier, opposé au projet. C’est une victoire pour les gens du collectif, qui bénéficient désormais d’un rapport de force favorable. Pendant ce temps, les travaux du silo continuent d’avancer et le collectif alerte le préfet sur un chantier «   non sécurisé et non clos ». Ce dernier ne donne pas suite, mais quelques mois plus tard un jeune intérimaire meurt sur le chantier. Par ailleurs, une nappe phréatique, attestée par une station de pompage d’eau potable, pourrait aussi faire capoter le projet car les fondations du chantier s’enfonceraient jusqu’à 8 mètres de profondeur.

Areva au Niger

Le troisième procès est d’un tout autre ordre. Il s’agit de celui de Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire, ayant dénoncé, en 2013, une manœuvre de corruption d’Areva au Niger qui devait permettre au groupe d’exploiter l’uranium à moindre coût [^4]. Stéphane Lhomme a été condamné l’an dernier pour diffamation contre Areva. Le 19 novembre, se tiendra le procès en appel du militant, qui bénéficie du soutien des associations anti-nucléaires ainsi que du Parti de gauche, de quelques personnalités d’EELV et d’Ensemble ! S’il est de nouveau condamné, il fera alors appel à la Cour européenne des droits de l’homme.

[^2]: Voir Politis n° 1312, du 17 juillet 2014.

[^3]: Voir Politis n° 1279, du 28 novembre 2013.

[^4]: Voir Politis n° 1282-83-84, du 19 décembre 2013

Écologie
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