Sondage : Oui, les étrangers doivent voter !
Malgré les atermoiements du gouvernement, le droit de vote des résidents étrangers obtient encore une majorité relative dans l’opinion, selon une enquête que nous publions avec la Lettre de la citoyenneté.
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L’extension du droit de vote aux élections locales aux résidents étrangers est favorablement envisagée par une majorité de Français. L’enquête d’opinion réalisée par Harris Interactive pour la Lettre de la citoyenneté [^2] montre certes que l’écart entre « pro » et « anti » tend à se réduire par rapport aux sondages précédents effectués par le même institut, mais les partisans d’une extension du droit de vote conservent une majorité relative. 47 % des personnes interrogées y sont en effet favorables, contre 44 % d’un avis contraire. Si les hommes y sont opposés à 49 % contre 43 %, la proportion est inversée chez les femmes, où l’écart entre les deux attitudes est aussi plus ample en faveur du droit de vote : 51 % contre 39 %. Les partisans devancent les opposants dans toutes les classes d’âge, excepté chez les plus de 65 ans, hostiles à 58 %, dont 33 % qui se disent « très opposés ». À l’inverse, les jeunes sont les plus réceptifs à cette extension : ils sont 61 % à y être favorables chez les 18-24 ans et les 25-34 ans, ces derniers n’étant que 27 % à s’y opposer. L’opinion des personnes interrogées varie également en fonction de leur lieu de résidence, le pourcentage de « favorables » augmentant avec la taille de l’agglomération. Les « opposés » l’emportent dans les communes rurales (54 %) et les unités urbaines de moins de 20 000 habitants (50 %), alors que les « favorables » dominent dans les aires de plus de 20 000 habitants (49 %) et sont 67 % dans l’agglomération parisienne.
Ce plébiscite dans l’électorat de gauche et les résultats plutôt encourageants de ce sondage, obtenus malgré un contexte économique et social difficile où les immigrés servent de nouveau de boucs émissaires, rendent incompréhensible le renoncement du gouvernement à mettre en œuvre l’engagement numéro 50 de François Hollande : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. » Une promesse ancienne (c’était la 80e des 110 propositions du candidat François Mitterrand en 1981), constamment reportée depuis trente ans. Dès l’automne 2012, Manuel Valls avait fait savoir que ce droit n’était pas « une revendication forte des Français » ni « un élément puissant d’intégration ». En réponse au ministre de l’Intérieur, qui avait été (un peu) recadré par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, une cinquantaine de parlementaires socialistes avaient publié une tribune réaffirmant leur volonté d’inscrire le droit de vote dans la loi avant les municipales de 2014. Mais, lors de sa conférence de presse de mai 2013, François Hollande avait repoussé la présentation d’un tel texte après cette élection. « Je ne renonce pas à ce que des majorités se constituent », a-t-il encore déclaré le 14 juillet.
Cet attentisme politique, loin de favoriser une acceptation du droit de vote des résidents étrangers par la société française, tend plutôt à éroder le nombre de ceux qui y sont favorables, comme le montre la courbe qui retrace l’évolution de l’opinion. On y voit qu’elle est devenue favorable au droit de vote des étrangers non communautaires en 1999, quand, après plusieurs années d’obstruction du Sénat, les ressortissants de l’UE ont acquis le droit de vote aux municipales. L’indécision du pouvoir, c’est son autre défaut, est également communicative. En témoigne le pourcentage élevé de personnes qui ne répondent pas à la question posée : 9 %. Un niveau jamais atteint dans les précédents sondages, que le gouvernement serait bien inspiré de prendre pour une alerte.
[^2]: Enquête réalisée par téléphone du 4 au 7 novembre 2014.
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