Une sinistre farce
Dans l’Hexagone, les agressions israéliennes sont regardées comme légitimes.
dans l’hebdo N° 1329 Acheter ce numéro
M. Netanyahou (Bibi, de son petit prénom) a donc déclaré hier [^2], dans ce que la presse dominante appelle une « mise en garde », que « la reconnaissance d’un État palestinien par la France serait une grave erreur ». Ce qu’oyant, MM. Hollande et Valls, qui sont respectivement, et comme tu sais si t’as pas séché le dernier remaniement, chef et chef en second de ladite [^3], lui ont répondu qu’il était bien gentil mais qu’il allait fissa fermer sa g… Sa bouche – attends, Joe, pour qui tu te prends, et à qui tu crois que tu parles, là, exactement ?
Je rigole, bien sûr : MM. Hollande et Valls se sont tenus rigoureusement cois – bien plus qu’ils n’auraient fait, gageons-le, si le chef du gouvernement iranien, par exemple, s’était ainsi permis de les admonester. (Disons comme ça pour ne pas verser dans l’excès.) Il est vrai : en « socialistes » conséquents, ces deux individus nourrissent pour le gouvernement israélien, et plus spécialement – dans le cas du moins de M. Hollande, qui ne dédaigne pas de proclamer qu’il serait même prêt à le gratifier, pour mieux lui complaire, d’un « chant d’amour » [^4] – pour la personne particulière de M. Netanyahou, des sentiments dont nul(le) ne saurait sans déchoir prétendre qu’ils sont marqués du sceau d’une acerbité [^5] outrancière.
Ainsi – je présume qu’il t’en souvient –, pas plus tard que l’été dernier, M. Hollande, constatant que M. Netanyahou s’était lancé – via son armée, ironiquement dite « de défense » – dans la confection à Gaza d’un traditionnel hachis de civil(e)s arabo-musulman(e) s (avec des gros bouts d’enfants), n’avait pas manqué de l’assurer du plein soutien de « la France », et de craquetter – this is en effet a love song – que son ami Bibi avait bien le droit de se défendre « par tous les moyens nécessaires » contre les odieuses agressions des Palestinien(ne)s occupé(e) s (depuis tant de décennies qu’on ne les compte plus que rarement, par peur, probablement, de trop se démoraliser).
Dès lors, M. Netanyahou sait par cœur que la reconnaissance d’un État palestinien par la France ne serait pas du tout tant une « grave erreur », comme il fait mine de le penser, qu’une (très) sinistre farce – puisque aussi bien, si un tel État était, de fait, officiellement reconnu, personne dans le gouvernement « socialiste » de l’Hexagone [^6], où les agressions israéliennes sont donc regardées comme légitimes, ne lèverait le petit doigt pour que les droits de ses ressortissant(e)s le soient aussi…
[^2]: Dimanche, donc. Vu que j’écris ceci lundi (24 novembre), juste avant l’aube – te dire mon sérieux, et si je prends à cœur d’être ponctuel dans la remise de ma copie.
[^3]: Ladite France. Pas ladite erreur. Est-ce que tu vas, oui ou non, te décider à suivre un peu, ou si tu veux vraiment que je t’envoie M. Rebsamen ?
[^4]: Rappel, tout à fait consternant : en novembre 2013, François Hollande déclare, après un dîner privé chez le chef du gouvernement israélien : « Pour l’amitié entre Benjamin et moi-même. J’aurai toujours trouvé un chant d’amour pour Israël et pour ses dirigeants. »
[^5]: Je découvre aujourd’hui le mot « acerbité », et j’aime autant te prévenir que, vu l’époque qu’on vit, il va me faire de l’usage.
[^6]: Tu n’as rien contre un clicheton journalisteux, de temps en temps ?
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.