À Saint-Ouen, pas de quartier pour les sans-abri !
Monstrueux. Ignoble . Il n’existe pas de mots assez durs pour qualifier l’injonction que l’office HLM de la ville de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) vient d’adresser aux locataires de la résidence Dhalenne. Saint-Ouen habitat public les menace d’expulsion s’ils manifestent un peu d’humanité aux sans-abris. La note du 15 décembre de l’Office, que nous reproduisons ci-dessous, est parfaitement claire, bien que rédigée dans un français approximatif. Elle interdit aux locataires de ces logements sociaux de permettre aux sans-abri d’accéder aux halls d’immeuble, de leur donner de la nourriture ou de les aider, sous peine de s’exposer « à une procédure d’expulsion » .
Contacté par téléphone, le maire, William Delannoy (UDI) , ne souhaitait pas répondre ce matin. « Le maire estime que [cette note] est de la responsabilité de Saint-Ouen habitat public, lui n’est que membre du conseil d’administration de cette structure » , nous a indiqué un membre de son cabinet, que l’on a senti embarrassé. Avant de nous inviter à contacter le directeur général de Saint-Ouen habitat public, Arnaud Bonnier, lequel n’a pas donné suite à nos sollicitations. On ne saura donc pas si le directeur de Saint-Ouen habitat public, nommé à ce poste par William Delannoy, a rédigé cette odieuse note de sa seule initiative ou parce qu’il l’estimait conforme à l’orientation de l’équipe municipale qui a pris les rênes de la ville en mars, après des dizaines d’années de gestion communiste. Frédéric Durand (PCF), président du groupe des élus d’opposition, rappelle toutefois qu’en neuf mois de mandat William Delannoy a déjà supprimé plusieurs manifestations populaires (Estivales, fête des associations) ainsi que les camions que la ville mettait à la disposition des Restos du cœur : « Il dit vouloir tirer Saint-Ouen vers le haut, mais n’a pas de projet pour la ville si ce n’est un projet sociologique : faire partir les classes populaires , déclare-t-il. Son rêve, c’est Levallois, une ville silencieuse et triste. »
Saint-Ouen n’est pas la première ville à vouloir se débarrasser de ses sans-domicile fixe. Les municipalités ont depuis longtemps recours à tout un arsenal de dispositifs pernicieux : arrêtés anti-mendicité, bancs coupés par des accoudoirs, banquettes circulaires, multiplication des surfaces inclinées… À l’été 2007, le maire d’Argenteuil, Georges Mothron (UMP), avait suscité une polémique en prônant l’utilisation d’un produit « répulsif », le Malodore, pour chasser les SDF des abords d’un centre commercial de son centre-ville, sans toutefois titiller « l’humanisme » de Rama Yade, alors secrétaire d’État aux Droits de l’homme, aujourd’hui figure de l’UDI.
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Mais la note de Saint-Ouen habitat public dépasse en ignominie tout ce qu’on avait pu voir jusqu’ici. En interdisant à des êtres humains, que l’on imagine de revenus modestes étant donné leur lieu d’habitation, de venir en aide à d’autres êtres humains plus pauvres qu’eux, elle instaure un délit de solidarité. Un délit d’humanité.
A LIRE >> La Rue au quotidien . Parce qu’il ouvre ses pages à ceux que l’on ne voit ni n’entend jamais, ce blog nous fait voir différemment le quotidien des sans-abri.