Faux départ pour le marathon climatique
Les négociateurs ont patiné jusqu’à la fin, alors que le grand accord planétaire sur le climat devait être largement ébauché à Lima.
dans l’hebdo N° 1331 Acheter ce numéro
Il n’y a désormais plus guère de doute, prévient l’Organisation mondiale de la météorologie : l’année 2014 sera la plus chaude jamais enregistrée depuis que l’on mesure les températures sur la planète. Impact de l’annonce au sommet onusien de Lima, qui s’est tenu du 1er au 12 décembre, sur la lutte climatique : néant. Pas plus que le passage du supertyphon Hagupit sur les Philippines, laissant plus de vingt morts derrière lui et un million d’évacués.
Ce rappel au désordre climatique, venu de l’archipel asiatique, est en passe de devenir un classique du sommet annuel. En novembre dernier, alors que la rencontre se tenait à Varsovie, Haiyan avait tué près de 7 500 personnes. Yeb Saño, chef de la délégation philippine depuis trois ans, avait alors entamé un jeûne destiné à frapper les esprits. Action phare, elle a été reprise à leur compte par les ONG présentes cette année à Lima. Mais sans Yeb Saño, évincé de la délégation philippine sous la pression des États-Unis, croient savoir des ONG anglo-saxonnes. Ici, c’est la surenchère aux « faux départs », sur la piste d’envol des négociations, se plaignaient les associations au début de la semaine. En conclave depuis le 1er décembre, les diplomates n’avaient produit que d’insignifiantes avancées à la veille de l’arrivée, le mercredi 10, des ministres chargés de conclure les travaux. Le sommet de Lima avait pour tâche principale d’échafauder l’accord international de lutte contre le dérèglement climatique que l’ONU espère voir signé à la fin 2015, lors du prochain sommet qui se tiendra à Paris. Ce document, le plus ambitieux jamais mis en chantier, devra alors inclure près de 200 pays – les membres de l’ONU –, alors que son prédécesseur, le Protocole de Kyoto (1997), n’avait défini d’engagements que pour les pays industrialisés d’alors, commis à réduire globalement (et seulement) de 5,2 % leurs émissions de gaz à effet de serre.
Mais la clé magique d’une « équitable » répartition des efforts entre tous n’est toujours pas trouvée. Le point d’équilibre se trouve quelque part entre l’Occident, la Chine, l’Inde et la Russie. Il se concrétisera à l’issue d’une cuisine concoctée à l’aveuglette : d’ici à juin prochain, tous les pays devront avoir déposé dans la corbeille commune leurs engagements de réduction d’émissions. Il faudra auparavant définir une méthode pour les harmoniser (volumes, dates, années de référence, etc.) afin de déjouer les tours de passe-passe comptables, ce qui n’était pas acquis à Lima mardi dernier. Quoi qu’il en soit, la somme de tous les engagements devrait être fort éloignée d’une division par deux des émissions globales de CO2 d’ici à 2050 (elles ont encore crû de 2,2 % en 2014). Une diminution indispensable pour contenir le réchauffement à 2 °C supplémentaires, vœu pieu de la communauté internationale. Restera alors à combler, en six mois, et si possible, le fossé entre les intentions et l’objectif… D’autant que les pays les plus pauvres, qui n’ont pas contribué au dérèglement, ne signeront que si les pays riches lâchent les dollars et l’aide technologique promis depuis trois ans pour les aider à s’adapter aux bouleversements du climat. Avant l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, en 2020 seulement, le Fonds vert ad hoc devra comptabiliser quelque 100 milliards de dollars. Au sortir de Lima, il en manquait 90 %.