Israël : Une crise politique et morale

Le pays paie le prix de la guerre et de la colonisation en termes économiques et sociaux.

Denis Sieffert  • 11 décembre 2014 abonné·es

Àtrois mois des élections anticipées du 17 mars, un sondage publié le 5 décembre par le Jérusalem Post indiquait que 34 % des Israéliens se détermineraient d’abord à partir des questions économiques, contre 30 % qui donneraient la priorité à la sécurité. En fait, les deux sont liés. C’est en effet la guerre contre Gaza (du 8 juillet au 26 août) qui a provoqué un nouveau boom des dépenses militaires et une chute du tourisme. Au total, l’offensive, qui a causé la mort de plus de deux mille Palestiniens, a coûté au pays 0,3 % du produit national brut, selon la Banque d’Israël. Par ailleurs, si le gouvernement peut se prévaloir de bons chiffres du chômage, c’est au prix d’une aggravation de la pauvreté. Phénomène classique dans les économies libérales. Avec 20 % de taux de pauvreté, Israël est l’un des pays dits développés comptant le plus de démunis. Ce qui, comme par hasard, correspond à peu près à la population palestinienne de nationalité israélienne. Si bien que la question palestinienne est omniprésente, même lorsqu’elle n’est pas abordée sous l’angle « sécuritaire ». Que ce soit au travers du poids des dépenses militaires, des inégalités à l’intérieur du pays ou du problème du logement, qui avait été l’un des facteurs de mobilisation des Indignés en 2011.

Les prix du logement ont grimpé de 65 % au cours des cinq dernières années. Et le projet d’un taux de TVA à 0 % prévu par le gouvernement pour faciliter les achats d’immobilier a été abandonné en raison des dépenses militaires. Or, parallèlement, les aides et autres encouragements à l’établissement dans les colonies ne souffrent pas de la crise, bien au contraire. C’est que le gouvernement continue d’agir en fonction de critères idéologiques. Pourtant, le glissement vers l’extrême droite risque de s’accentuer dans les urnes le 17 mars, pour des raisons politiques qui résultent de l’effondrement du Parti travailliste (voir entretien ci-contre).

Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, qui a provoqué ces élections anticipées, tente d’éliminer les centristes pour s’appuyer sur une droite extrême dominée par les colons du mouvement Foyer juif, de Naftali Bennett, et sur le parti Israël Beïteïnou, du ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, qui s’est déjà prononcé ouvertement pour un transfert de la population palestinienne. Le contexte dans lequel va se dérouler la campagne s’annonce donc particulièrement violent. Toutefois, un rapprochement semble s’opérer entre le leader travailliste Yitzhak Herzog et la centriste Tzipi Livni, récemment limogée du gouvernement, en vue de former une liste commune. Selon les sondages, une telle liste pourrait devancer de peu le Likoud, sans mettre en minorité la coalition d’extrême droite. L’hypothèse d’une liste commune des partis arabes et judéo-arabes n’est pas exclue non plus. Quant au contexte international, il apparaît contradictoire. Si Israël est de plus en plus isolé, comme en témoigne le mouvement de reconnaissance de l’État palestinien par des parlements européens et par le gouvernement suédois, le pays peut toujours compter sur l’appui des États-Unis. Le Congrès américain a adopté le 4 décembre une loi renforçant les liens de défense avec Israël. Et cela, à l’unanimité…

Monde
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »
Vidéo 17 janvier 2025

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »

Alors que Donald Trump deviendra le 47e président des Etats-Unis le 20 janvier, Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales, est l’invité de « La Midinale » pour nous parler des ruptures et des continuités inquiétantes que cela pourrait impliquer pour le monde.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Récit 17 janvier 2025 abonné·es

Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social

Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
Par Edward Maille
Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse
Analyse 17 janvier 2025

Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse

Les règles économiques et commerciales de la mondialisation ayant dominé les 50 dernières années ont déjà été fortement mises en cause. Mais l’investiture de Donald Trump va marquer une nouvelle étape. Les échanges économiques s’annoncent chaotiques, agressifs et l’objet ultime de la politique.
Par Louis Mollier-Sabet
À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire
Reportage 15 janvier 2025 abonné·es

À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire

Que reste-t-il quand un missile fauche 59 personnes d’un petit village réunies pour l’enterrement d’un soldat ? À Hroza, dans l’est de l’Ukraine, les survivants et les proches des victimes tentent de gérer le traumatisme du 5 octobre 2023.
Par Pauline Migevant