La caverne aux trésors de Kadi Poppins
Assistante maternelle et mère de quatre enfants, Kadi accorde beaucoup d’intérêt au choix des jouets, sans distinction de genre et avec peu de restrictions, hormis les armes.
dans l’hebdo N° 1332-1334 Acheter ce numéro
Chez Kadi, il y a des jouets dans toutes les pièces. Jusque sur la terrasse de son appartement situé au 2e étage d’un immeuble qui donne sur une jolie cour arborée à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Sur des étagères soigneusement rangées, on trouve aussi bien des petits camions porteurs que des trottinettes, des ballons, des raquettes de tennis, une mini-tondeuse à gazon en plastique, une petite cuisine, des bassines pour les jeux d’eau l’été, des fruits et des légumes en plastique et, devant la porte, un baby-foot qui attend depuis quelques semaines que quelqu’un veuille bien le retaper. Il y en a pour tous les âges : Kadi est mère de quatre enfants de 4 à 21 ans et elle garde des enfants depuis seize ans, comme nounou à domicile d’abord, quand elle est arrivée en France, puis comme assistante maternelle agréée, chez elle.
Entre les jouets que les parents lui donnent, ceux qu’elle part dénicher dans ses courses aux trésors sur les vide-greniers alentour et ceux qu’elle récupère à droite et à gauche pour les envoyer en Côte d’Ivoire, son pays natal, ses collections feraient baver plus d’un magasin. Elle a des poupons noirs et blancs et des Barbie de toutes les couleurs, des trains en bois et en plastique, plusieurs cuisinières, des plateaux de pâte à modeler, un nombre incalculable de petites voitures avec des circuits et des garages – « les filles adorent ! J’ai gardé une petite qui jouait avec pendant des heures » –, des châteaux et des maisons de poupées, des boîtes de Lego et des jeux de construction, des mini-poussettes, un cheval à bascule, et même une sorte de kart qui rend les murs trop proches. Elle en sort régulièrement des nouveaux, qu’elle tire d’un placard comme Marie Poppins de son sac, pour en faire la nouvelle attraction de la semaine. Parce que Kadi ne met pas tous ses jouets en circulation. Quand les parents arrivent, le matin, pour lui déposer leurs enfants, elle en a installé un ou deux, pas plus, sur le grand tapis de son salon. C’est l’activité du jour, les enfants se précipitent dessus ou en réclament un autre. Au-dessus de ce tapis, des étagères regorgent de livres et de jeux de société. Dans la chambre de ses deux fils (Tidiane, 4 ans, et Siriki, 11 ans), des boîtes proposent un classement thématique : celle des poupées, celle des voitures, etc. Dans la chambre des filles (Adiaratou, 16 ans, et Nafitini, 21 ans), Kadi cache encore des jouets dans les placards, mais les petits ne vont pas s’y servir seuls. Dans leur chambre, avec son mari, elle en stocke de plus volumineux sur le balcon-fenêtre. Sans compter les jouets de la salle de bains sur le bord de la baignoire ou de la table à langer. Forcément, Kadi est l’une des premières au courant des modes dans les cours d’école et d’immeuble. Les héros de dessins animés, les bracelets en élastique qui se sont vendus sur les marchés les plus petits et les plus reculés des campagnes françaises cet été, assurant la fortune de leur importateur en France, mais aussi les nouveautés qui s’affichent dans les catalogues de grandes surfaces, n’ont pas de secrets pour elle. Comme le budget Noël n’est pas extensible avec quatre enfants, Kadi et son mari, Seydou, font tous les ans une petite réunion de pré-réveillon. « On discute alors avec chacun de ce qu’il voudrait en premier et on essaie de trouver un compromis entre ce qui lui ferait le plus plaisir et ce qui lui serait le plus utile. »
Cette année, le plus petit, Tidiane, a jeté son dévolu sur des jeux de société, déduit-on ce soir-là en tentant de deviner le nom exact des jeux qu’il cite en cascade. Siriki, lui, a flashé sur le « Nerf Mega Elite Magnus », lance-t-il alors que les petits s’apprêtent à enfourner des pizzas en pâte à modeler dans un petit four bleu et rouge. « Toute la puissance d’un pistolet Mega dans la paume de la main », est-il précisé dans le catalogue qu’il plante sous les yeux de sa mère. Kadi grimace. Par réflexe professionnel, sa priorité c’est de faire correspondre chaque jouet avec l’âge de l’enfant. Pour le reste, elle est très cool. Mais les armes, c’est niet. Siriki tente de négocier : un de ses meilleurs copains a déjà le Nerf Mega, « c’est vraiment super, Maman ». « Mais chez lui c’est un véritable arsenal ! », proteste Kadi. Heureusement, Siriki a également très envie d’un vélo. Sa mère respire ! « Je pense à un téléphone portable aussi, parce que j’ai perdu le sien cet été et que je commence à avoir besoin de pouvoir le joindre. » Adiaratou, qui se mêle à la conversation, a mis « dans sa liste au père Noël » – articule-t-elle distinctement en louchant sur son dernier frère et les deux petits garçons en train de jouer – « des livres et des vêtements ». Bien sage, cette jeune fille… « On a appris à être raisonnable, sourit-elle, mais ce sont des histoires pour adolescentes, pas des livres pour le lycée, comme Vos Étoiles contraires [John Green]. Je demande aussi un peu de maquillage. Et puis mon anniversaire arrive vite derrière, en janvier. » Ses parents ont-ils droit à des cadeaux ? « Oui ! Pour maman, en général, ce sont des produits de beauté, et pour papa, des habits. » Kadi est musulmane. « Noël, c’est pour les chrétiens, mais j’adore cette fête ! Quand je suis arrivée de Côte d’Ivoire, la première personne dont j’ai gardé les enfants m’a initiée. Depuis, chaque année, je décore un sapin avec les enfants que je garde et je prépare un repas traditionnel pour le soir du réveillon, dinde ou chapon. Chez moi on ne faisait pas ça. Mais c’est la fête des enfants ! »