L’islamophobie, un racisme banalisé
En dépit de son caractère massif et récurrent, l’islamophobie est faiblement combattue par les pouvoirs politiques et rarement dénoncée par ceux qui ont coutume de s’ériger en conscience morale.
dans l’hebdo N° 1331 Acheter ce numéro
Tout commence peut-être avec la désinformation qui entoure la définition et l’origine du mot. Qui n’a pas entendu une Caroline Fourest affirmer, au mépris de toute vérité, que le terme « islamophobie » a été inventé par les mollahs iraniens, alors qu’il est apparu au début du XXe siècle sous la plume d’orientalistes français imprégnés de culture coloniale ? Délégitimer le concept en l’attribuant à l’Iran, n’est-ce pas déjà légitimer la chose ? De même, l’idée défendue naguère par l’ancien directeur du Point, Claude Imbert, selon laquelle l’islamophobie relèverait du droit à la critique d’une religion connaît toujours un vif succès. Une critique n’est pourtant pas censée se transformer en phobie, c’est-à-dire en frayeur pathologique. Sauf à vouloir déclencher ce réflexe de peur qui est à l’origine de tous les racismes. Alimentée par une série de soupçons et d’amalgames, l’islamophobie « crispe les relations sociales », comme l’ont écrit les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed ( Islamophobie, La Découverte, 2013). Et elle « forge des handicaps qui, pour certains, s’ajoutent à d’autres difficultés sociales, comme le fait d’être une femme [ou] de résider dans un territoire disqualifié et mal desservi ». En dépit de son caractère massif et récurrent, l’islamophobie est faiblement combattue par les pouvoirs politiques et rarement dénoncée par ceux qui ont coutume de s’ériger en conscience morale. Cela résulte en partie du fait que ce racisme se manifeste souvent « sous la forme d’actes de basse intensité » : le délit de faciès ou la discrimination à l’embauche, par exemple. Mais les politiques ne s’en tiennent pas à un silence complice. Depuis une dizaine d’années, ils ont fortement contribué à stigmatiser nos concitoyens musulmans. Une parole officielle a diffusé un venin dans toute la société. Il nous est donc apparu comme une évidence que Politis devait prendre part à la Journée internationale contre l’islamophobie du 13 décembre.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don