M. Cazeneuve et M. Tartuffe
M. Valls néglige de s’élever contre des faits racistes lorsqu’ils visent des mahométans.
dans l’hebdo N° 1331 Acheter ce numéro
M. Cazeneuve, ministre « socialiste » de l’Intérieur [^2], vient d’annoncer, après l’immonde agression d’un couple de jeunes juifs à Créteil, que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme serait désormais regardée par son gouvernement – mieux vaut tard que jamais – comme une « cause nationale ». Puis, juste après, le supérieur hiérarchique de M. Cazeneuve – M. Valls, donc [^3] – a quant à lui déploré, rapporte ce (lundi) soir le Monde, « “qu’il n’y ait pas plus de mobilisation” de la société contre “le crime abominable” de Créteil, et d’une manière générale lorsqu’il s’agit de s’élever contre des faits ou des propos racistes ou antisémites ».
Et pour une fois [^4] je suis assez d’accord avec M. Valls. Plus précisément : je déplore, tout comme il fait, que certaines exactions à caractère raciste ne fassent pas l’objet de plus de mobilisation(s) de la société. Au tout début du mois de juillet dernier, par exemple, une jeune femme musulmane a été longuement violentée, un soir qu’elle rentrait chez elle – dans la proche banlieue parisienne –, et au seul motif qu’elle portait un voile, par deux sous-salauds finis à la pisse. Mais ni M. Cazeneuve ni M. Valls n’ont jugé utile – ou simplement convenant – de se mobiliser pour dénoncer – ne parlons même pas de la condamner – cette agression-là, qui venait pourtant après une interminable série, déjà, d’actes anti-musulmans. Car, en effet, M. Valls néglige fréquemment de s’élever trop catégoriquement contre des faits ou des propos racistes, lorsqu’ils visent des mahométan(e)s. (Et M. Cazeneuve omet, lorsque ces ignominies sont portées à sa connaissance, de proclamer que si c’est comme ça, tention : la lutte contre la xénophobie va être promue cause nationale.)
En vérité, l’attitude de M. Valls est même plus étonnante encore, puisqu’en de certains moments il profère, à l’unisson des pires crapules de la « nouvelle » réaction [^5], des considérations – disons comme ça pour ne pas trop nous froisser la sensibilité – d’où ressort par exemple qu’il doute que l’islam soit « compatible avec la démocratie », et qui doivent donc être comptées au nombre des DD (déclarations dégueulasses) qui encouragent précisément, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la perpétration d’attaques visant la communauté musulmane. Adoncques, si vraiment M. Cazeneuve décide de faire de la lutte contre la stigmatisation de l’Autre un point nodal de sa pratique ministérielle, on ne saurait trop lui recommander de se pencher de près sur le cas de l’actuel hôte de Matignon [^6], qui alimente parfois de sa (grande) main droite, et sur un mode qui pourrait presque être regardé comme un peu tartufeux, les phobies contre lesquelles il prétend d’autres fois mobiliser la société.
[^2]: Sous qui Rémi Fraisse fut tué par des gendarmes : nous veillerons, évidemment, à ne jamais oublier cette infamie.
[^3]: Sous qui Rémi Fraisse fut tué par des gendarmes : nous veillerons, évidemment, à ne jamais oublier cette infamie.
[^4]: Mais je pressens qu’elle ne fera pas une coutume…
[^5]: Qui n’est jamais, comme tu sais, qu’une (pas si) lointaine résurgence antimusulmane de celle qui, dans les années 1910 et suivantes, se vautrait dans la haine antisémite.
[^6]: Comme on dit chez la presse comme il faut.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.