Manuel Valls en plein élan libéral

À la loi Macron sur l’activité et la croissance s’ajouteront plus de cent cinquante réformes annoncées par le Premier ministre pour les trois prochaines années.

Thierry Brun  • 18 décembre 2014 abonné·es
Manuel Valls en plein élan libéral
© Photo : HARTMANN / AFP

Manuel Valls assume : le projet de loi sur l’activité et la croissance d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, s’inscrit « pleinement dans le programme de réformes du gouvernement » présenté le 12 décembre. Le texte, examiné à partir du 22 janvier à l’Assemblée nationale, doit « lever les freins » à la bonne marche de l’économie. Il s’inscrit dans un « agenda des réformes ^2 », un calendrier de 155 initiatives identifiées par le gouvernement, destiné à donner de la « cohérence », alors que la France est sous la pression de Bruxelles.

Manuel Valls cherche à imposer la méthode Coué pour la fin du quinquennat, en prenant soin de rappeler les engagements de la France auprès de la Commission : 21 milliards d’euros d’économies doivent être réalisées en 2015, première étape du « plan d’économies de 50 milliards sur les dépenses publiques » d’ici à 2017. Il restera 15 milliards d’euros d’économies à trouver en 2016, puis 14 milliards en 2017. Pour montrer que la France poursuit son élan réformateur, le Premier ministre a prévenu qu’il ne laisserait pas détricoter la loi Macron, laquelle constitue l’ossature de l’agenda, un ensemble dans lequel la logique austéritaire domine. Pour l’essentiel, les 155 réformes synthétisent les mesures connues, avec parfois des précisions ou des confirmations de calendrier. Par exemple, sur la loi relative au dialogue social, prévue au deuxième trimestre 2015, ou encore sur la réforme des collèges, qui aura lieu dès janvier. Nombre de dossiers sont explosifs, comme « l’amélioration de l’efficacité de Pôle emploi », pressentie en janvier avec la signature de la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi, mais aussi avec un projet de loi sur les agences d’emploi privées, qui libéralise totalement l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Les quelques mesures de gauche retenues sont noyées dans un océan de libéralisme à tous crins. On peut le constater dans un des intitulés de l’agenda : « Réduire les inégalités par la réforme des prestations sociales ». On y annonce une revalorisation « de 10 % du RSA en cinq ans et des prestations familiales des familles les plus démunies » à partir de février 2015. Mais le calendrier fait apparaître en janvier 2016 une « réforme des minima sociaux », une nouveauté consistant à « créer un minimum social simplifié, rénové » pour réaliser des économies. L’objectif serait atteint « en examinant la fusion du RSA (ou RSA socle, héritier du RMI) et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ». Un projet qui s’ajoutera à la création d’une « prime d’activité » en remplacement de la prime pour l’emploi et du RSA activité, et fera des perdants. Parallèlement, sont détaillées les étapes de l’application du pacte de responsabilité et de solidarité, qui représente 40 milliards d’euros distribués aux entreprises d’ici à 2017. L’ensemble, qui mêle les réformes déjà adoptées avec d’autres qui ne le sont pas, consiste à démontrer « au reste du monde que la France est capable de se réformer », a déclaré le chef du gouvernement. Certaines des mesures de la loi Macron sont d’ores et déjà considérées comme applicables au premier trimestre 2015.

La loi « travail » de François Rebsamen, ministre du Travail, est l’autre gros chantier promu par Manuel Valls. Avec des mesures très controversées sur les seuils sociaux, qui déclenchent des obligations de négociations en entreprise. Cette loi devrait permettre aux entreprises d’augmenter le temps de travail par accord majoritaire et pour une durée limitée, et ce dans le cadre d’un projet de développement (accord dit « offensif »). La loi « travail » est programmée pour le deuxième trimestre 2015, sans tenir compte de l’issue des négociations entre les syndicats et le patronat sur cette question. Autre dossier explosif, l’entrée en vigueur de la nouvelle convention chômage, « négociée au premier semestre 2016 », après une « décision du gouvernement » sur le régime des intermittents du spectacle, annoncée au premier trimestre 2015. Lors de leur prochaine négociation sur le sujet, que le gouvernement souhaiterait voir engagée dès le deuxième semestre 2015, les partenaires sociaux devront se poser « la question des devoirs des chômeurs associés à leurs droits, de l’accompagnement de ces chômeurs par Pôle emploi, et la question de l’incitation à la reprise la plus rapide d’une activité », a souhaité Manuel Valls devant les députés.

L’objectif de « dégager l’horizon » en rendant public l’agenda des réformes est double : présenter un calendrier acceptable par le patronat du Medef et rassurer la Commission européenne. Celle-ci doit rendre ses conclusions sur l’état financier et budgétaire de la France en mars 2015, après un délai de trois mois accordé au gouvernement. Comme l’exécutif européen, les ministres des Finances des 18 pays de la zone euro ont estimé, lors de leur réunion du 8 décembre, que la France court « un risque de non-conformité » de son budget 2015 avec les règles budgétaires. Selon la Commission européenne, l’effort structurel (hors effet de la conjoncture) de la France serait de 0,3 point de PIB, contre 0,8 attendu. En conséquence, « des mesures supplémentaires sont nécessaires pour permettre une amélioration de l’effort structurel », ont indiqué les ministres de la zone euro. L’avertissement a été suivi d’une sanction des marchés financiers en décembre. Fitch, une des trois agences de notation, a de nouveau dégradé la note de la France. L’agence considère que l’abaissement de cette note était inévitable, car il n’y avait pas de changement de trajectoire de la dette publique. Les annonces de réduction des dépenses par le gouvernement, qui portent sur 3,6 milliards d’euros, étant jugées insuffisantes. L’agenda de Manuel Valls, déjà très chargé, risque de devenir encore plus dense sous l’effet de cet élan réformateur pour les trois prochaines années, avec pour cible la protection sociale et le code du travail. À moins que des mouvements sociaux ne lui barrent la route.

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