2015 : avec ou sans Tafta ?
Une année cruciale se profile pour le grand marché transatlantique. Les ONG sont sur le pied de guerre.
dans l’hebdo N° 1335 Acheter ce numéro
L’année 2015 sera déterminante pour l’adoption ou la conclusion d’accords de libre-échange. Le grand Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, TTIP en anglais, également dénommé Tafta) entre les États-Unis et l’Union européenne figure en tête de l’agenda européen, avec le plus discret Accord économique et commercial global (AECG, Ceta en anglais) entre le Canada et l’UE.
Ce dernier est le plus avancé des accords : les négociations se sont achevées en août dernier, et le document final a été rendu public en septembre. Le Parlement européen devrait se prononcer à la mi-2015 pour donner ou non son approbation à cet accord qui préfigure le PTCI. Outre-Atlantique, des élections fédérales prévues en octobre au Canada retarderont son adoption. Dans leurs conclusions au dernier sommet de l’année 2014, les dirigeants européens ont mentionné que « l’UE et les États-Unis devraient faire tous les efforts nécessaires pour conclure, d’ici à la fin de 2015, les négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) qui soit ambitieux ». La nouvelle commissaire européenne en charge du Commerce, Cecilia Malmström, a rappelé qu’elle avait pour mission de négocier un accord commercial « gagnant-gagnant » avec les États-Unis, le PTCI étant une des priorités de la fin de mandat de Barack Obama. Elle participera au huitième cycle de négociations prévu à Bruxelles début février et à la deuxième conférence annuelle sur le commerce entre les États-Unis et l’Union européenne, pour faire le point sur les négociations autour de l’accord. En marge, la campagne contre le grand marché transatlantique gagne du terrain. Les ONG européennes ont réussi leur pari de mobiliser plus d’un million de signatures nécessaires à une « initiative citoyenne européenne » auto-organisée (car rejetée par la Commission européenne), demandant l’arrêt des négociations concernant le PTCI et appelant les institutions européennes à ne pas ratifier l’AECG. La possible mise en place d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (Investor-state dispute settlement, ISDS) est une des sources majeures de crispation pour la coalition « Stop TTIP », qui rassemble près de 320 organisations dans 24 pays de l’UE, comme pour les États, en particulier l’Allemagne. À tel point que les négociations avec les États-Unis sur ce sujet sont suspendues aux résultats d’une consultation sur ce mécanisme, qui seront présentés à l’ensemble des commissaires européens au plus tard à la mi-janvier, a annoncé Cecilia Malmström. Plusieurs études alimentent les oppositions aux traités commerciaux transatlantiques. Celle sur l’impact du PTCI, réalisée par Jeronim Capaldo, chercheur au Global Development and Environment Institute (GDAE) et ancien économiste à l’Organisation internationale du Travail (OIT), est à rebours des anticipations optimistes des think tanks financés par les multinationales. Cette étude récente montre les conséquences néfastes qu’un tel accord aurait sur l’économie et l’emploi en Europe.
Les écologistes sont aussi montés au créneau contre d’éventuels accords de libre-échange transatlantique. Une note intitulée : « Climat ou Tafta, il faut choisir ! », publiée par Attac France et l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec), vise la politique climatique de François Hollande et relève que « la France pourrait commencer par conditionner tout nouvel accord de libéralisation des échanges et d’investissement au respect des responsabilités climatiques des pays les plus émetteurs et les plus pollueurs. Elle parlerait ainsi en pleine cohérence […] à Bruxelles », avant la conférence sur le climat prévue à Paris en décembre. Surtout, le grand marché transatlantique mobilise contre lui dans la rue. Après les 400 initiatives à travers l’Europe qui ont mobilisé les citoyens le 11 octobre 2014, la manifestation du 19 décembre, organisée par l’Alliance D19-20, coalition belge de mouvements sociaux et citoyens pour protester contre les traités transatlantiques et les politiques d’austérité, a tenté de bloquer le sommet européen à Bruxelles. Le collectif français Stop Tafta manifestera de nouveau en février à Bruxelles et lors de la journée mondiale de protestation contre les accords de libre-échange, prévue le 18 avril. Entre-temps, les collectifs Stop Tafta surveilleront de près les échéances politiques en Grèce, dans l’attente d’une possible victoire de Syriza, coalition de gauche contre l’austérité et les traités transatlantiques, lors des législatives anticipées qui se tiendront le 25 janvier.