Charlie Hebdo : des réactions critiques à l’étranger

Marie Roy  • 15 janvier 2015 abonné·es
Charlie Hebdo : des réactions critiques à l’étranger
© Photo : CITIZENSIDE/CHRISTOPHE ESTASSY / citizenside.com

Pour le pape François , la liberté d’expression, un «droit fondamental» , doit s’exercer «sans offenser» . Dans l’avion le menant de Colombo à Manille, il a réagi à la dernière Une de Charlie Hebdo : «On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision.»

Au même moment, en France, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, estimait, elle, que l’on «peut tout dessiner, y compris un prophète parce qu’en France, pays de Voltaire et de l’irrévérence, on a le droit de se moquer de toutes les religions» .

Des réactions qui viennent s’ajouter aux commentaires qui se sont multipliés de par le monde depuis la publication du dernier Charlie Hebdo , et de sa Une montrant Mahomet endeuillé.

Selon le mouvement chiite Hezbollah , au Liban, cette Une «heurte le sentiment des musulmans» et peut entraîner «plus d’extrémisme» . Le Hezbollah avait précédemment condamné les attentats de la semaine dernière.

Le patriarche des Coptes orthodoxes d’Egypte , Tawadros II, a lui aussi pris position contre la caricature : «L’insulte sur le plan personnel entre les hommes est refusée, et quand elle concerne les religions, ce n’est ni humain, ni moral, ni socialement [acceptable] et cela ne contribue absolument pas à la paix mondiale.»

En Bosnie-Herzégovine , Husein Kavazovic, leader spirituel des musulmans de Bosnie, s’est également exprimé : «Nous condamnons de la manière la plus ferme l’abus de la liberté de la parole et de l’expression artistique, utilisée pour humilier avec préméditation des personnes et ce qui leur est sacré.»

Le grand mufti de Jérusalem , Mohammad Hussein, a déclaré par communiqué : «Cette insulte , [la Une], a blessé les sentiments de près de deux milliards de musulmans dans le monde.» Tout en précisant : «Je condamne les attaques contre les innocents et le terrorisme sous toutes ses formes.»

C’est en Afghanistan et au Pakistan que les réactions ont été les plus vives. Les talibans afghans condamnent en effet les caricatures du prophète et approuvent les attentats perpétrés à l’encontre de Charlie Hebdo . Vendredi dernier, des centaines de personnes s’étaient réunis dans la province d’Uruzgan pour rendre hommage aux actes des terroristes. Au Pakistan, à Lahore, 500 imams se sont rassemblés et ont scandés «Mort à Charlie Hebdo» ou encore «Les amis de la France sont des traîtres» . Le ministre des Affaires religieuses pakistanais, Sadar Yousaf, a de son côté signalé que «les médias qui ont publié ces croquis devraient être interdits, toutes les copies devraient être confisquées et brûlées» .

Un seul journal, en Turquie, s’est risqué à publier les caricatures de Charlie Hebdo :

•Bravant l’opposition, les pressions et les menaces, le quotidien Cumhuriyet , d’influence kémaliste, et opposant notoire au président Recep Tayyip Erdogan a repris, en turc, l’essentiel du contenu du numéro de l’hebdomadaire français et publié ses caricatures. Pour avoir fait ce choix éditorial, Cumhuriyet a subi un contrôle policier nocturne. Selon l’éditorialiste politique du quotidien, «le terrorisme est un crime contre l’Humanité, quelle que soit son origine. C’est pour cela qu’il, [le prophète], tient dans sa main une pancarte “Je suis Charlie”» .

De son côté, la presse américaine ne brille pas par sa témérité.

•Le New York Times a ainsi décidé de décrire les dessins et de ne pas les publier. CNN , NBC News , MSNBC et l’agence de presse Associated Press ont également choisi de ne pas montrer les caricatures de Charlie Hebdo .

Si ce numéro de l’hebdomadaire satirique entraîne des réactions partout à travers le monde, Laurent Léger, journaliste à Charlie Hebdo , précise qu’il est dans l’esprit de ce que l’hebdomadaire a toujours fait : « [Cette une] est complètement “Charlie”, c’est à dire impertinente vis-à-vis d’une religion […] Je pense qu’elle va faire parler, interpeller les consciences et montrer qu’une fois de plus on caricature les religions, on continue d’être tels que nous avons toujours été» .

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