École : les valeurs républicaines plutôt que l’éducation prioritaire

Ciblées sur la laïcité, les mesures présentées à midi par la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem font notamment l’impasse sur l’éducation prioritaire.

Marie Roy  • 22 janvier 2015
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École : les valeurs républicaines plutôt que l’éducation prioritaire
© Photo : La ministre de l'Éducation arrive à Matignon, le 22 janvier 2015. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Au lendemain des attentats de Paris, la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem a lancé programme de «Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République».

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Les 11 mesures issues de cette consultation ont été présentées ce jeudi 22 janvier à midi. Elles mettent notamment l’accent sur la laïcité et la transmission des valeurs républicaines, détaillent les sanctions encourues par les élèves qui les mettent en cause, et proposent quelques pistes de pour développer la formation des enseignants.

Première surprise : rien sur l’Éducation prioritaire, alors que la nouvelle carte a soulevé des mouvements de protestation tout l’automne et que la plupart des éducateurs et professionnels concernés considèrent qu’il s’agit là de la première urgence.

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Deuxième surprise : «les comportements mettant en cause les valeurs de la République devront être systématiquement signalés au directeur d’école ou au chef d’établissement et seront suivis d’un dialogue éducatif avec les parents et, le cas échéant, d’une sanction disciplinaire» .

D’une part, rien n’est dit au sujet de ces comportements, sinon qu’ils renvoient désormais, dans l’inconscient collectif, au non respect de la minute de silence pour les victimes de l’attentat de Charlie Hebdo .

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D’autre part, cette mesure vise uniquement les élèves irrespectueux mais pas les enseignants, alors que certains, notamment une enseignante à Bobigny, ont été mis mis à pied pour «propos complotistes et haineux» .

«Expliquer et faire partager les valeurs de la République.»

Concernant la formation des enseignants, un plan sera déployé pour aborder avec les élèves les questions de citoyenneté, de laïcité et de lutte contre les préjugés. Avant la fin de l’année scolaire, 1000 formateurs devraient être à même de former leurs collègues.

Des «formations sur site à l’enseignement laïque du fait religieux ainsi qu’aux usages des technologies numériques et des réseaux sociaux seront proposées» , devraient également être proposées. La capacité des futurs enseignants à «expliquer et à faire partager les valeurs de la République» sera systématiquement évaluée lors du concours de recrutement. De même, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation intégreront dans leurs programmes un «tronc commun traitant de la laïcité et de la lutte contre les préjugés».

Par ailleurs, «Le rétablissement de l’autorité des maîtres passe également par la compréhension et la célébration
des rites républicains et des symboles de la République (hymne national, drapeau, devise)», explique le document.

Nouveau parcours éducatif

La ministre a annoncé la création d’un «nouveau parcours éducatif» à partir de septembre 2015. Du CP à la terminale, il comprendra, sur 300 heures dédiées, un enseignement moral et civique, une éducation aux médias et à l’information, l’enseignement du jugement, de l’argumentation et du débat, et des ateliers débats et philosophiques pour les élèves en filières professionnelles et pour les apprentis, une préparation en amont au lycée de la Journée défense et citoyenneté.

Charlie est passé par là… Mais comment ces 300 heures vont-elles se répartir dans les parcours et programmes déjà existants ?

Autre nouveauté : la «Charte de la laïcité» , mesure instaurée en septembre 2013 par Vincent Peillon, alors ministre de l’Éducation, sera accolée au règlement intérieur des établissements et devra être signée par les élèves et leurs parents en début d’année scolaire. Une journée de la laïcité sera également célébrée dans toutes les écoles le 9 décembre.

«Détection des signes précurseurs des pratiques de repli et de radicalisation»

Dans la lutte engagée contre les comportements antirépublicains, le ministère annonce que «les chefs d’établissement recevront une formation renforcée à la détection des signes précurseurs des pratiques de repli et de radicalisation» .

Meilleure détection d’une dépression ? D’un comportement autistique ? De violences familiales ? Ou de pratiques «sectaires» ? Un terme qui n’apparaît pas une seule fois. De quelle «radicalisation» est-il vraiment question ?

La mixité sociale renvoyée à l’année prochaine

Concernant les problèmes de mixité sociale, l’état des lieux est renvoyé à 2015-2016. Du côté des actions en faveur des publics les plus fragiles, le financement des fonds sociaux sera porté à 45 millions d’euros.

Il est aussi prévu que les liens avec l’éducation populaire soient renforcés par des «conventions pluriannuelles d’objectifs des réseaux d’éducation populaire» rédigées au regard des enjeux actuels pour aboutir à des engagements des ministères concernés. `

C’est oublier que l’éducation prioritaire a, comme une bonne part de l’action associative, fondu comme neige au soleil du fait des coupes budgétaires successives, et ce, en dépit des signaux d’alarmes lancés depuis… quinze ans.

Une autre mesure interroge : la création d’une «réserve citoyenne d’appui aux écoles et aux établissements, sur le modèle de la réserve citoyenne de la Défense» où seraient notamment sollicités des «bénévoles d’associations partenaires au plan local» . La composition de cette réserve reste indéterminée et semble s’appuyer sur la bonne volonté des acteurs du monde associatif.

Enfin, ce catalogue de mesures précise : «la grande mobilisation pour les valeurs de la République est celle de toute l’École, y compris
l’enseignement agricole et l’enseignement privé sous contrat»
.

Malheureusement, aucun détail sur l’enseignement du fait religieux et de la laïcité dans les établissements privés sous contrat, à 80 % catholiques.

Cette grande mobilisation sur l’école accouche d’une série de mesures qui semblent avoir pour principal enjeu de calmer les peurs de la société française au lendemain des attentats plutôt que d’enrayer les disfonctionnements et inégalités déjà existants à l’école.

Société
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