Grèce : L’art de travestir la réalité
Les élections législatives du 25 janvier soulignent l’urgence de sortir des politiques d’austérité, qui ont échoué.
dans l’hebdo N° 1335 Acheter ce numéro
La Commission européenne n’est pas à court d’arguments pour défendre la politique d’austérité menée dans la zone euro. Selon elle, la Grèce serait sortie d’affaire et aurait accompli des « progrès remarquables ». Les services de la Commission s’appuient sur des statistiques illusoires publiées l’année dernière, annonçant un « excédent primaire » des comptes publics du pays de 1,5 milliard d’euros. Une aubaine que l’actuel gouvernement grec, qui n’a plus que quelques jours à vivre, a médiatisée avec la promesse d’une prévision de croissance de 2,9 % cette année.
L’opération de communication, qui s’est intensifiée ces dernières semaines, promeut l’idée que la thérapie de choc menée par la troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission) sort la Grèce de la crise. Elle masque une réalité sociale et économique bien moins reluisante, et qui explique que le parti de gauche Syriza caracole en tête des sondages. « L’intervention de la troïka a accentué la récession de l’économie grecque, qui a perdu 25 % de son PIB depuis 2009. Au total, 778 000 personnes ont perdu leur travail entre 2010 et 2013. La Grèce a le plus grand taux de chômage dans l’Union européenne : près de 30 %, et 60 % pour les jeunes. Le nombre de personnes qui vivent dans des foyers où personne ne travaille a augmenté de 600 000 en 2009 à 1,48 million au début de 2013. Sur 1,3 million de chômeurs officiels, en 2014, seulement 157 000 touchent des allocations. En gros, 3,5 millions de Grecs sur 4,8 économiquement actifs travaillent (sans toujours être payés), sur une population de 11 millions », souligne Yiorgos Vassalos, politologue, membre en Belgique de l’Initiative de solidarité avec la Grèce qui résiste [[« Grèce : l’impact de quatre ans de troïka, les mobilisations de la population et les perspectives politiques en 2015 », Yiorgos Vassalos, publié sur le site du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM).
]]. Surtout, la Grèce, comme tous les autres pays ayant subi l’austérité, doit faire face à des défis considérables. Quatre ans de thérapie de choc et un défaut équivalent à 40 % du PIB n’ont en rien réduit la dette publique : elle est passée de 129 % du PIB en 2009 à 178 % en 2014. À moins de réduire franchement le stock de dettes, comme le propose Syriza, il faudra attendre longtemps avant de lever cette chape de plomb. L’austérité étant loin d’être achevée, Alexis Tsipras, chef de file de Syriza, a appelé à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, « similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et grâce à laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande », rappelle l’économiste Éric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde de Belgique (CADTM).
Une victoire de Syriza « pourrait remettre en cause, pour l’ensemble de l’Union européenne, les politiques d’austérité imposées par la troïka aux peuples contre leur volonté », ambitionne un appel lancé en France et signé par des associatifs, syndicalistes, universitaires et dirigeants politiques de gauche [^2], dont Clémentine Autain (Ensemble !), Emmanuelle Cosse (EELV), Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Pierre Laurent (PCF) et Jean-Luc Mélenchon (PG). Les signataires soulignent que les manifestations au Portugal, en Espagne, en Italie, et la récente grève générale en Belgique montrent que « ne passe plus l’injonction de rembourser aux détenteurs de capitaux des dettes illégitimes au prix de la destruction d’un modèle social qui permettait d’atténuer les maux du capitalisme et de pointer qu’une autre logique est possible ».
[^2]: « Troïka basta ! Rendons la démocratie à la Grèce ! », appel publié par Mediapart.