Lassana Bathily, un héros de chez nous (« À flux détendu »)
Lassana Bathily est, dans la prise d’otages de Vincennes, l’autre Noir. Le « gentil ».
dans l’hebdo N° 1336 Acheter ce numéro
Lassana Bathily. Vous ne connaissez pas encore son nom, son visage ? C’est, dans la prise d’otages de Vincennes, l’autre Noir. Le « gentil ». Le « héros ». Les médias raffolent de lui depuis qu’ils ont appris sa conduite alors qu’Amedy Coulibaly terrorisait le magasin casher. Quand le jihadiste entre dans les lieux, le magasinier – c’est sa profession –, alors au sous-sol, voit arriver des clients paniqués et les cache dans la chambre froide. Devant l’exigence de Coulibaly que tout le monde remonte, certains obéissent. Mais six personnes, dont un nourrisson, restent avec Lassana Bathily. Celui-ci leur propose de s’enfuir au moyen du monte-charge. Mais ils ont trop peur. Dès lors, le salarié du magasin les camoufle au mieux dans le frigo et réussit à s’échapper. Une fois dehors, il donne des renseignements nécessaires à la police en vue de l’assaut.
Lassana Bathily est âgé de 24 ans. Il est Malien, né dans le village de Sambra Dramané. Arrivé en France en 2006, il est sans papiers pendant cinq ans. 2006, ironie du sort, c’est l’année où a été adoptée une énième loi antiterroriste facilitant les contrôles d’identité et les fouilles de véhicules, qui a servi davantage aux expulsions des sans-papiers qu’à prévenir des attentats. Mais Lassana Bathily est passé à travers les mailles du filet et, grâce au Réseau éducation sans frontières, a été régularisé en 2011. Obtiendra-t-il la nationalité française qu’il a demandée il y a quelque temps ? Lassana Bathily serait alors un héros de chez nous, lui que les médias n’ont cessé de désigner comme un « salarié musulman » ou un « musulman malien ». Quant à lui, loin de se prendre pour un héros, il explique que « ce n’[était] pas une question de juifs, de chrétiens ou de musulmans. On [était] tous sur le même bateau, il [fallait] qu’on s’aide pour sortir de cette crise ». Il a un mot situant son identité comme celle des otages qu’il a sauvés : « On est des frères. »
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