Mélenchon : « La victoire de Syriza est un encouragement extraordinaire »
Jean-Luc Mélenchon se félicite de la victoire de Syriza, sans minimiser les obstacles qui guettent Alexis Tsipras.
dans l’hebdo N° 1338 Acheter ce numéro
Après avoir souvent annoncé que la chaîne allait craquer, Jean-Luc Mélenchon s’est réjoui du résultat de Syriza. Il nous en a livré sa perception par téléphone, lundi.
« La victoire de Syriza est plus qu’une victoire électorale », dites-vous. Qu’a-t-elle de plus ?
Jean-Luc Mélenchon : Cela n’a rien d’un effet champignon. D’abord, elle jaillit comme une réponse de fond à un problème posé à toute l’Europe : celui de la mise en œuvre des politiques économiques qu’on a voulu graver dans le traité constitutionnel, qu’on a remis dans le traité de Lisbonne, et qui ont permis le traité budgétaire. C’est une riposte au cours profond pris par la construction européenne. Plus qu’une victoire électorale, c’est une confrontation avec le modèle dominant. Ensuite, Syriza n’est pas non plus une formation sortie du néant. Elle s’est constituée comme un rassemblement de l’autre gauche en Grèce – à l’exception des communistes du KKE –, en lien avec la mouvance politique qui s’est forgée après la chute du Mur de Berlin dans le Forum de São Paulo. Cette mouvance, au départ un peu confidentielle, est aujourd’hui au pouvoir dans dix pays d’Amérique latine et pour la première fois dans un pays européen. D’où l’ample portée de cette victoire dans l’histoire du Vieux Continent et du mouvement progressiste mondial.
Êtes-vous surpris des réactions européennes ? La confrontation va être rude…
Les puissants et le système, qui ont engendré le martyr auquel le vote Syriza est la réponse, vont se défendre. Dans un premier temps, ils font le gros dos et essaient de vider le vote de sa substance. Les mêmes qui présentaient Tsipras comme le « Mélenchon grec » il y a quinze jours, le présentent tout d’un coup comme un homme « plus modéré », quand bien même Alexis a adopté d’entrée de jeu une attitude extrêmement ferme par rapport à l’Union européenne. Dans un deuxième temps, ils vont sans doute miser sur les difficultés qu’inévitablement tout pouvoir rencontre, surtout quand il arrive à la tête d’un État dévasté. Ce qui permettra de dire aux autres pays que cette expérience n’en vaut pas la peine. Mais surtout, il va y avoir une énorme campagne internationale de la finance contre la Grèce, venant d’abord des pays créanciers. Là, il faut s’attendre à une violente riposte, comme celle qui, dans les pays d’Amérique latine, a vu le même tandem de l’oligarchie et du système médiatique saboter jour après jour l’action de nos gouvernements.
Est-ce un exemple et un espoir pour la France ?
Syriza est une coalition de même nature que le Front de gauche. Comme lui, elle a démarré très lentement. J’ai connu Alexis Tsipras à 3,5 % des votes. Ce qui lui a permis de rencontrer l’adhésion du peuple grec, c’est qu’il a tenu fermement sur une position de rupture avec le système politique du Pasok et de la droite. Quand bien même les socialistes ont essayé à plusieurs reprises, et parfois réussi, à acheter certains éléments individuels de la coalition. Nous avons donc en quelque sorte une origine et une méthode communes. Sa victoire est un encouragement extraordinaire. Surtout, elle réussit à convaincre que l’autre gauche peut gagner. Ce sera un puissant stimulus en France pour que se rassemblent tous ceux qui sont dans l’opposition de gauche au gouvernement.