Quel est le problème, docteur ?
La généralisation du tiers-payant est mal accueillie par les médecins libéraux, qui ont reconduit leur mouvement de grève.
dans l’hebdo N° 1335 Acheter ce numéro
Problème administratif ou symbolique, la généralisation du tiers-payant ? Cette mesure, qui permettrait en 2017 à tous les patients de ne pas avancer de frais sur une partie des consultations, a provoqué une grève à rebonds chez une bonne part des médecins libéraux. Le mouvement, commencé les 23 et 24 décembre (environ 75 % de grévistes), a été reconduit les 5 et 6 janvier, assorti d’une « guérilla administrative » : plus de télétransmissions à la Sécurité sociale et retour aux feuilles de soins, provoquant un engorgement des services et un retard de remboursement pour les patients. D’après un sondage Ifop-JDD (4 janvier), 58 % des Français soutiendraient ce mouvement.
Pourtant, la généralisation du tiers-payant que propose la nouvelle loi santé, bientôt en discussion à l’Assemblée, est présentée comme une vraie mesure sociale. Elle figurait d’ailleurs parmi les quarante propositions du rapport parlementaire sur l’accès aux soins présenté en octobre 2013 par la sénatrice Aline Archimbaud. Le constat étant qu’un nombre croissant de personnes renonce à des soins pour des raisons économiques. Mais la généralisation du tiers-payant n’a pas suffisamment fait l’objet de négociations entre l’assurance maladie et les complémentaires. Conséquences : les grévistes redoutent de devoir « courir après les mutuelles » pour réclamer leur dû. Si certains estiment que la mesure pourrait libérer la relation patient-médecin de certaines contingences (paiement à l’acte, à l’objectif…), d’autres considèrent qu’elle risque de déresponsabiliser les patients et d’entraîner des raids de consultations « gratuites », ainsi qu’une « mise sous tutelle de la Sécurité sociale » via « une forme de salariat forcé » .
Ce mouvement se greffe sur le désarroi des généralistes, dont les tarifs, bloqués à 23 euros, les pénalisent par rapport aux spécialistes (25 euros), d’autant qu’ils sont soumis à des temps de travail souvent délirants. La solution ? Un tiers-payant « simplifié », avec la Sécu comme interlocuteur unique pour les médecins, suggère le syndicat MG France. Cette grève vient surtout rappeler le désengagement de la Sécu au profit des complémentaires, les dépassements d’honoraires scandaleux, les déserts médicaux…