« The Smell of Us », de Larry Clark : Sexe, drogue, etc.
Avec The Smell of Us, Larry Clark filme à cru une certaine jeunesse, marquée par le désœuvrement.
dans l’hebdo N° 1336 Acheter ce numéro
Du sexe, des drogues, de l’alcool, du rock et du hard rock. Tel est l’emploi du temps d’une certaine jeunesse parisienne, dans cette première décennie du XXIe siècle. À peu près tous fils de bourgeois, à peu près tous en conflit avec leurs parents. Pas moins paumés. Ils sont quelques-uns à se retrouver du côté du Palais de Tokyo, passant des heures à faire du skate, braillant, s’amusant, entre deux moments de défonce, de confidences. L’une se donne aisément, l’autre s’exhibe, un autre encore vit pleinement son homosexualité.
Ça se prostitue, fait l’escort boy, cherche l’argent facile. Saoulés de nouvelles technologies, on filme et l’on se filme avec son smartphone, partout, sans cesse, jusqu’à saisir l’abjection, sans distance, sans recul. Scènes âpres, rudes, souvent crades, avec une caméra semblant s’agripper aux corps, s’accrocher à un désœuvrement qui s’habille de tous les excès, de provocations. Des scènes où le réalisateur, Larry Clark, ne s’épargne pas lui-même, tantôt en rock star désunie, pantomime abrutie d’alcool, compatissant presque avec ses personnages dans la déchéance, tantôt endossant le rôle du fétichiste du pied, amateur de jeunes adolescents. The Smell of Us a beau égrener ses images d’un Paris lumineux, chic, entre le Trocadéro et les quais de Seine, le tableau n’en reste pas moins grave, avec ses teintes acidulées, crevant l’écran. Larry Clark filme ainsi une jeunesse. Non pas la jeunesse. Mais une jeunesse parisienne trimbalant son désarroi, ses errances, ses égarements, sa solitude aussi, derrière une camaraderie de façade. Surtout, à l’image de ses précédents films, tel Kids, tourné en 1995, livrant le récit d’une jeunesse confrontée au sida, ou de ses photographies, fixant l’adolescence entre naïveté et perversion, Larry Clark dérange.
Le cinéaste dérange parce qu’il se veut cru et cruel, violent, oscillant entre l’innocence et la violence, parce que la caméra, hyperréaliste, alterne des images quasi pornographiques, provocantes, traquant la vulgarité (comme l’avait fait Andy Warhol dans Lonesome Cowboys ) et la majesté de l’esplanade du Trocadéro, la douceur d’un rayon de soleil sur le visage d’une jeune fille éclatante, des plans agissant comme des tableaux, dénonçant en même temps le poids du voyeurisme d’Internet et ses conséquences, une perte globale des repères. Ça valait bien un choc émotionnel.