De la suite dans les idées
D’après M. Cukierman, la Pen (daughter) est tout à fait « irréprochable ».
dans l’hebdo N° 1342 Acheter ce numéro
L’on ne pourra du moins pas reprocher (du tout) à M. Cukierman, Roger, président à répétition du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) – où ses prises de position, pour râpeuses qu’elles puissent être (comme nous l’allons voir), ne lui ont donc nullement barré le chemin des sommets –, de n’avoir pas de suite dans les idées. Tout au rebours, cet intéressant personnage reste, au fil des ans, si ferme dans ses convictions que c’en devient fort impressionnant – et je ne parle pas seulement ici de celles qui lui font vénérer le gouvernement israélien qui a (de nouveau) fait dans Gaza cet été du hachis de Palestinien(ne)s (avec de très gros morceaux de civil[e]s). M. Cukierman avait ainsi considéré en 2002 [^2], juste après que le Pen (father) s’était propulsé jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, que le score du candidat frontique était un salutaire « message aux musulmans, leur indiquant de se tenir tranquilles ».
Et voilà que treize années plus tard, et à quelques heures du traditionnel dîner du Crif, où de très (très) éminentes personnalités politiques (parmi qui M. Hollande, François, chef de l’État français) viennent chaque an écouter ses péroraisons, M. Cukierman, creusant la même veine exactement, proclame que la Pen (daughter) est, d’après lui, tout à fait « irréprochable » – puis précise, décidément très serviable, que « le FN est un parti […] qui aujourd’hui ne commet pas de violences », et que, puisqu’ « il faut dire les choses : toutes les violences sont commises par des jeunes musulmans ». L’on ne s’étendra pas ici (mais je crois que l’on y reviendra, si tu as la gentillesse de me rappeler qu’il faut qu’on s’en reparle) sur l’énormité de ces propos (non plus d’ailleurs que sur les proximités idéologiques qu’ils révèlent lorsqu’il s’agit d’appréhender collectivement « les musulmans » et d’alimenter contre eux les phobies décomplexées où l’époque les harasse) : je trouve, pour ma part, infiniment plus intéressant de relever que, les ayant ouïs, M. Hollande ait fait le choix de ne pas annuler sa participation au dîner du Crif, où il compte, dit-on, présenter un ambitieux plan de lutte « contre l’antisémitisme et le racisme ».
Car, en effet, si les preuves abondent établissant que les « socialistes » à guillemets sont (dans le meilleur des cas) des faux-culs de compète chez qui les reniements sont aussi naturels que la respiration, il est somme toute assez rare que leur tartuferie se voie si clairement que dans cette occasion où le premier d’entre eux va donc – j’y insiste un peu lourdement, à la fin que tu médites cela jusqu’à jeudi prochain – réciter qu’il est jusque dans son tréfonds l’ennemi de la xénophobie devant un hôte qui aime à décerner aux chefs dynastiques d’un parti xénophobe, dont il partage semble-t-il un peu du ressentiment antimusulman, des brevets de bonne conduite. Mais les mêmes, n’en doute pas, continueront, toute honte bue, de te jurer qu’ils sont ton unique rempart électoral contre l’extrême droite.
[^2]: D’après le quotidien israélien Haaretz, qui ne passe pas pour être un repaire de farceurs.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.