Journal d’une femme en politique
Avec ces fragments de vie, Clémentine Autain propose un livre personnel dans lequel beaucoup se retrouveront.
dans l’hebdo N° 1339 Acheter ce numéro
Cela ne fait guère de doute : Clémentine Autain est une « femme politique ». Et dans le journal qu’elle nous propose, genre littéraire exigeant fait d’images furtives, de pensées mêlées, de livres, de films et de réflexions, elle ne fait finalement qu’interroger ces deux mots, les opposer et les réconcilier. Contrairement à ce que suggère le titre du livre, le monde que décrit notre féminine figure du Front de gauche nous donne autant de raisons de douter que d’espérer. Elle le dit d’emblée : nous sommes dans « ce moment de l’histoire où la colère reste sans débouché », « une société du nous » où « chaque individu est transformé en consommateur […] désincarné » .
Et puis il y a le métro. Scène de la vie ordinaire : « Bonjour, je suis Christian, j’ai 47 ans […], je viens vous demander une petite pièce… » Clémentine Autain, à cet instant troublé, lit Nina Bouraoui : « Je suis faite de ce ciment, la violence du monde est devenue ma propre violence. » Croisement du réel et de la fiction : tout est politique. Dans un autre registre, plus léger mais un peu désespérant quand même, ces journalistes pusillanimes qui n’ont qu’une idée : Mélenchon et Laurent vont-ils se serrer la main ? « Un sommet de vie politique, vraiment ! » Et puis, il y a la femme militante : « Comment sérieusement faire de la politique avec des enfants en bas âge ? » « Je songe, dit-elle, à ces générations d’hommes qui ont dépensé l’intégralité de leur énergie ou presque en politique. […] “Leur” femme s’occupait des enfants. » Ce combat-là n’est pas gagné, mais il avance. Depuis « la grève des ventres » de Nelly Roussel en 1919 jusqu’au Deuxième Sexe. Avec des moments cruels, comme ce reproche adressé par une fillette à sa mère, militante amie : « Tu préfères les SDF à nous. » Et ces instants d’émotion, lorsqu’une femme l’aborde sur un marché : « Moi aussi, ça m’est arrivé ! » « Elle me parle de viol sans le nommer, songe Clémentine Autain, je le sais, je le vois. » Ce sont souvent ces rencontres qui nous donnent raison d’espérer.