L’heure de vérité pour l’Europe
Alors que l’asphyxie financière se profile, les nouveaux dirigeants grecs poursuivent leur tournée européenne pour convaincre d’une renégociation.
dans l’hebdo N° 1339 Acheter ce numéro
Désormais ministre des Finances, Yanis Varoufakis, l’économiste pourfendeur de la troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international) et Alexis Tsipras, chef du gouvernement grec, sont engagés dans une course contre la montre. Tous deux ont entamé lundi une tournée européenne avec des arguments censés mettre un terme aux programmes d’austérité mis en place par la troïka, qui réunit les principaux créanciers de la Grèce. De Chypre, qui a fait l’objet d’un plan d’aide international en échange de mesures d’austérité pour éviter la faillite, le nouveau Premier ministre a attaqué, affirmant que la fin de sa mainmise sur le plan de sauvetage de son pays constituerait une avancée « mature et nécessaire à l’Europe » .
Le parti antilibéral espagnol est parvenu à mobiliser samedi 31 janvier entre 100 000 (selon la police) et 300 000 personnes (selon les organisateurs). Venues de tout le pays, elles se sont rassemblées dans le centre de Madrid, à quelques mètres de là où les Indignados (dont est directement issu Podemos, qui signifie en espagnol « Nous pouvons », comme Syriza en grec) avaient occupé l’espace public en 2011. Pablo Iglesias, le jeune leader de Podemos (36 ans), a été acclamé place de la Puerta del Sol. Le poing levé, entrecoupant régulièrement son discours contre la finance, la corruption, l’austérité et les diktats de la troïka du slogan vivement repris par la foule « Si, se puede ! » (« Mais si, on peut ! »), il a fustigé l’establishment, cette « caste » qui a laissé le peuple dans une situation « d’humiliation et d’appauvrissement ».
Une accusation qui fait mouche dans ce pays où plus de 20 % de la population active n’a pas de travail. Après avoir surpris en recueillant 1,2 million de suffrages aux dernières élections européennes et obtenu cinq sièges, Podemos serait aujourd’hui, selon tous les sondages, devant le Parti socialiste (et parfois même le Parti populaire, la droite au pouvoir). À la veille d’une année électorale chargée, avec des municipales et des régionales entre mars et l’été, et surtout des législatives en novembre, Podemos voulait, six jours seulement après la victoire de Syriza, profiter de l’élan athénien. « Tic-tac, tic-tac, c’est l’heure du changement ! », pouvait-on lire samedi sur certains calicots à Madrid.
Au-delà des déclarations menaçantes, les bailleurs devront décider du versement ou non des 7,2 milliards d’euros du plan d’aide qui arrive à échéance à la fin du mois. La BCE a prévenu qu’elle ne pourrait continuer à prêter si ce programme restait sans suite, ce qui entraînerait l’asphyxie financière de la Grèce et un défaut massif sur sa dette. Il « est parfaitement possible, en accord avec la BCE, de mettre en place les liquidités nécessaires, comme cela a tant de fois été fait par le passé, pas seulement pour la Grèce », assure Yanis Varoufakis, qui souhaite qu’un accord global sur la situation financière du pays soit trouvé d’ici à la « fin du mois de mai ». Devant cette perspective proche, les bailleurs devront donc rapidement se mettre autour de la table des négociations à l’issue de la tournée européenne des dirigeants grecs.
[^2]: Lire « Grèce : l’enjeu d’un allégement de la dette », sur le blog de Thierry Brun (Politis.fr).