Un récit très orienté
Plusieurs universitaires ont analysé la représentation du conflit israélo-palestinien dans les manuels scolaires. Édifiant.
dans l’hebdo N° 1339 Acheter ce numéro
Le conflit israélo-palestinien se mène aussi en France dans les livres scolaires. C’est ce que démontre un ouvrage collectif publié par Syllepse. On y découvre que les omissions et les partis pris sémantiques remontent loin. Ainsi, dans deux manuels, le Magnard et le Belin, l’exil consécutif à la destruction du Temple de Jérusalem, en 70, semble concerner tous les juifs, alors que, comme le note André Rosevègue, seules ont quitté la Palestine les élites urbaines.
Le prosélytisme dans le sud de la Russie au VIIe siècle, ou au Maghreb, est également ignoré. L’idée d’un « droit au retour » d’un peuple tout entier chassé de sa terre peut ainsi s’installer discrètement. L’historienne Sandrine Mansour-Mérien s’est, quant à elle, penchée plus spécifiquement sur la question Israël-Palestine, s’appuyant sur sept ouvrages scolaires. Elle observe notamment que le plan de partage du 29 novembre 1947 est présenté sans contextualisation. Un demi-siècle de colonisation juive est ignoré. Seul le Hatier évoque les attentats sionistes en Palestine. « Dans les autres manuels, relève l’historienne, la violence est systématiquement imputée aux Palestiniens. » Leur exode est présenté comme une conséquence du refus arabe du « partage », comme si les expulsions consécutives aux attaques des milices sionistes ne l’avaient pas précédé. Le Magnard parle même de la « fuite des Arabes de Palestine ». En 1967, l’entrée des troupes israéliennes dans Jérusalem-Est est perçue comme un événement heureux. « Émotion » des soldats qui ont « repris » la vieille ville. Nulle mention du droit international bafoué, des maisons patrimoniales détruites et de l’installation des colons.
De même, l’édification du mur, à partir de 2002, donne lieu à une désinformation systématique. Présenté comme une « barrière de séparation » destinée à empêcher « toute intrusion de terroristes palestiniens », selon le Bordas, il suivrait la ligne de partage de l’armistice de 1949, selon le Belin. Or, on sait que le mur empiète largement sur le territoire palestinien. On pourrait multiplier les exemples d’un regard exclusivement israélien, sur une histoire dans laquelle les Palestiniens ne sont jamais victimes mais toujours agresseurs. Dans ce récit, le « terrorisme palestinien », bientôt alimenté par « l’islamisme », devient l’explication du conflit, renversant les liens de cause à effet et oubliant la colonisation. Il n’est pas difficile de trouver la source d’inspiration des manuels scolaires français. Dans le même ouvrage, Nurit Peled-Elhanan nous propose une lecture critique des manuels scolaires israéliens. La ressemblance est frappante.