Doublé Duras au théâtre de la Colline

Célie Pauthe met en scène la Bête dans la jungle et la Maladie de la mort. Beau mais inégal.

Gilles Costaz  • 5 mars 2015 abonné·es
Doublé Duras au théâtre de la Colline
La Bête dans la jungle , théâtre de la Colline, Paris XXe. Tél. : 01 44 62 52 52. Jusqu’au 22 mars.
© E. CARECCHIO

Fort inventive, Célie Pauthe a rapidement fait partie des metteurs en scène qui comptent. Mais n’est-ce pas une idée discutable, un projet contradictoire que de monter dans la même soirée la Bête dans la jungle, adapté par Marguerite Duras du récit d’Henry James, et la Maladie de la mort, de Duras elle-même ? N’est-il pas un peu facile d’imaginer que l’un des personnages de la première pièce se met à rêver à la deuxième, et que tout cela s’emboîte bien ?

En fait, le spectacle est très beau dans sa première partie. La Bête dans la jungle est un texte assez mystérieux, où un homme et une femme du meilleur monde britannique se rencontrent régulièrement dans un château, avec le sentiment qu’une « bête » va surgir dans la vie de l’homme et changer sa vie. Qu’est-ce que cette bête ? L’amour, la sexualité, la haine ? Quelque chose surgira là où on ne l’attend pas. Le spectacle, dans un très beau décor de Marie La Rocca, et la mise en scène sont d’un raffinement absolu. Tous les tempos sont savants, les attitudes variées, à l’image des sentiments qui changent et du temps qui passe. John Arnold incarne le visiteur fidèle dans un dandysme lézardé par la souffrance intérieure et toujours secouru par le sens des apparences. Valérie Dréville se transforme en aristocrate douce et joyeuse, dont la bienveillance est progressivement dévastée. Ils sont admirables, et l’on se dit que la pièce est là mille fois mieux représentée que lorsque Gérard Depardieu (oreillette au tympan) et Fanny Ardant s’en emparèrent il y a quelques années.

La façon dont est montée ensuite la Maladie de la mort gâche un peu le plaisir. Dans ce récit, qui n’a pas été écrit pour le théâtre, une femme s’adresse à un homme qui ne parvient pas à aimer le corps de la fille dont il a loué les services. C’est un texte brûlant, qu’on peut lire de différentes manières, et sur lequel des gens de théâtre se sont parfois cassé les dents avec des spectacles manqués (Peter Handke, Robert Wilson). Ici, Célie Pauthe change de manière, passe au prosaïsme (une fille dévêtue sur la scène) et au démonstratif. Les mêmes acteurs, à qui on a réparti les morceaux, semblent raidis par ce nouveau style. Arnold crispe ses muscles, Dréville surélève la voix, Mélodie Richard (la prostituée) prend un ton godiche. Après la splendeur, la malfaçon.

Théâtre
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