Élections israéliennes : Un débat peut en cacher un autre
Peu présente au début de la campagne, la question palestinienne est réapparue au profit de l’Union sioniste.
dans l’hebdo N° 1344 Acheter ce numéro
S’il fallait résumer la campagne électorale de ces législatives israéliennes, ce serait par ces mots : « Y penser toujours, n’en parler jamais. » Il s’agit bien sûr de la question palestinienne. Totalement absente du discours du Premier ministre sortant, le très droitier Benyamin Netanyahou, elle n’apparaît dans celui de l’Union sioniste, alliance de la centriste Tzipi Livni et du travailliste Isaac Herzog, que sous la forme d’une vague promesse de reprise des négociations. Des négociations sans échéances ni contours précis, comme on en a connu tant depuis Camp David, en juillet 2000. Malgré tout, cette opposition n’est pas dépourvue de sens. Si Tzipi Livni, héritière politique d’Ariel Sharon, et Isaac Herzog revendiquent le qualificatif envié de « sionistes », c’est une grosse pierre dans le jardin de Netanyahou. Façon de dire que la politique ultracoloniale de ce dernier, qui a brisé jusqu’à un semblant de négociations, va finir par produire un effet paradoxal.
En cassant les reins de l’Autorité palestinienne, tant d’un point de vue politique qu’économique, et en poursuivant une colonisation intensive de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, Netanyahou torpille la solution « à deux États » qui est le socle de toutes les résolutions de l’ONU. La conséquence de cette politique, c’est de livrer l’avenir du conflit à la démographie et de provoquer ce que tous les gouvernements israéliens ont toujours voulu éviter, c’est-à-dire la convergence dans une même revendication de droits citoyens des Palestiniens des Territoires et des Palestiniens de nationalité israélienne. Lesquels vont déjà jouer les trouble-fête dans le scrutin du 17 mars puisqu’ils sont parvenus pour la première fois à présenter une liste unique.
On comprend mieux, dans ces conditions, le message que tente de délivrer le tandem Livni-Herzog. En tentant d’entretenir la solution à deux États, ils disent au pays : « C’est nous qui pouvons sauver le caractère juif de l’État. » D’où leur affichage « sioniste ». C’est un peu le débat caché de cette campagne électorale. Ce n’est pas celui qui déterminera le vote des électeurs. La plupart des futurs électeurs de la liste Livni veulent le changement. Ils protestent contre la politique ultralibérale et ultra-inégalitaire de Netanyahou. Et ils veulent la reprise des pourparlers avec les Palestiniens. C’est le sens de la manifestation qui a réuni 50 000 personnes, samedi à Tel-Aviv, à l’appel de l’ONG Un million de mains. « C’est une démonstration de force de citoyens israéliens qui réclament un changement politique, un accord de paix », a affirmé l’un des organisateurs du rassemblement, Dror Ben Ami. « Le gouvernement actuel a échoué sur le plan économique et social et ne nous apporte aucune amélioration de la situation sécuritaire. Le pays est en panne, a-t-il ajouté, et nous espérons le retour de la gauche, bien qu’elle ne soit plus la même que dans le passé. » « Bibi à la maison ! », ont scandé les manifestants, en référence au surnom du Premier ministre. Car c’est aussi ça, l’élection du 17 mars, un référendum pour ou contre un homme qui exacerbe le nationalisme et concentre sur sa personne une grande partie du débat.