Juger Facebook (« À flux détendu »)
Le réseau social avait suspendu le compte d’un instituteur amateur d’art pour avoir publié sur sa page l’Origine du monde, de Courbet.
dans l’hebdo N° 1344 Acheter ce numéro
« J’aime » la dernière décision prise par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, le 5 mars, à propos de Facebook. Elle est historique et ouvre bien des perspectives. Le TGI s’est en effet déclaré compétent pour juger le réseau social dans un conflit qui oppose celui-ci à un internaute français. L’affaire remonte à quatre ans. Un instituteur amateur d’art recommande sur sa page un reportage sur l’Origine du monde, de Courbet, et le tableau apparaît ainsi plein pot. Ce qui n’est pas du goût du pudibond Facebook, qui n’aime pas les belles choses : le réseau social suspend illico le compte dudit utilisateur et ne se donne pas la peine de répondre à ses demandes d’explication. La solution ? Le recours à la justice.
Eh bien non ! Car Facebook a plus d’un tour retors dans son sac à censure : dans ses conditions d’utilisation, que chacun doit accepter, « la déclaration des droits et responsabilités » du réseau social indique que toute action en justice contre Facebook doit se faire « exclusivement devant un tribunal américain du Northern District de Californie ou devant un tribunal d’État du comté de San Mateo ». Malin ! Mais voilà : la décision du TGI brise cette exclusivité de compétence. Et, coup double, éclaircit l’horizon jurisprudentiel dont on imagine qu’il assombrit la mine renfrognée des maîtres de Facebook et autres « géants du Net ». « David a gagné contre Goliath », s’est réjoui l’avocat du plaideur. Au passage, on notera cette précision de Facebook, livrée à l’AFP : depuis 2011, date de cette affaire, « les standards de la communauté ont évolué » et acceptent désormais « la publication de contenus artistiques, à l’exception de photographies, montrant des nus ». Donc, désormais, Courbet, oui, mais les femmes dénudées de Doisneau, Ronis, Cartier-Bresson ou Brassaï, non. Plus Tartuffe décérébré, tu meurs.
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