La prochaine crise globale n’est pas loin
C’est peut-être en Chine que la situation est la plus explosive.
dans l’hebdo N° 1344 Acheter ce numéro
Sept ans après le déclenchement de la crise financière, en 2007, la dette globale (publique et privée) n’a cessé de s’accroître dans le monde. Selon une étude récente [^2], elle a augmenté de 57 000 milliards de dollars de 2007 à 2014, pour atteindre un niveau trois fois supérieur au PIB mondial. Cette explosion de la dette est générale : elle concerne à la fois la dette publique (pour près de 40 %) et la dette privée des ménages et des entreprises. Elle touche tous les groupes de pays : les nations en développement (dont les pays dits « émergents ») ont contribué à près de 50 % de l’augmentation de la dette globale, même si le niveau moyen de leur endettement total reste plus bas que celui des pays dits « avancés » (121 % du PIB contre 280 %).
Deux régions du monde présentent aujourd’hui les symptômes les plus inquiétants de cette maladie de la dette. D’abord la zone euro, où les politiques d’austérité ont conduit à un ralentissement durable de l’activité qui aggrave le poids de l’endettement, ce qui rend problématique la sortie de crise. Mais c’est peut-être en Chine que la situation est la plus explosive. Depuis 2007, la dette totale (incluant celle des institutions financières) a quadruplé pour atteindre 282 % du PIB. Le plus préoccupant est que cette explosion de la dette a alimenté une gigantesque bulle immobilière, selon un processus comparable à celui qui a conduit à la crise des subprimes aux États-Unis. Et si la prochaine crise financière internationale débutait cette fois-ci en Chine ? L’histoire est jonchée d’épisodes marqués par une explosion des dettes, le plus souvent liée à des guerres [^3]. Le dernier en date est celui de la Seconde Guerre mondiale, qui a conduit à une accumulation record de dettes parmi les belligérants européens. Celles de la France et du Royaume-Uni représentaient près de 250 % du PIB en 1944. Mais elles ont été rapidement résorbées grâce à l’inflation et à la reprise de l’activité économique. Un tel scénario de sortie de crise est impossible en 2015, puisque l’Europe s’est enfermée dans le piège de la récession et de la déflation.
Des politiques alternatives sont aujourd’hui nécessaires pour desserrer ce carcan. Dans le contexte actuel, les leviers fiscal et monétaire doivent être mobilisés en priorité. Une taxe globale sur le capital détenu par tous les rentiers pourrait être levée avec l’objectif de financer le remboursement d’une grande partie des dettes. Une telle mesure a été proposée par le très orthodoxe FMI ! Une deuxième mesure serait le rachat par les banques centrales des dettes publiques jugées non soutenables à la suite d’audits publics, une opération qui serait ainsi financée par de la création monétaire. Une fois détenues par les banques centrales, ces dettes pourraient être transformées en dettes perpétuelles (non remboursables), et les intérêts perçus par les banques centrales reversés aux Trésors publics nationaux. Ainsi pourrait être annulée, au moins partiellement, les dettes publiques dont la progression récente a été causée pour l’essentiel par les dérives de la finance.
[^2]: « Debt and (not much) deleveraging », McKinsey Global Institute, février 2015.
[^3]: Dette : 5 000 ans d’histoire, David Graeber, Les Liens qui libèrent, 2013.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.