« Society » : Le papier, pari d’avenir
Enquêtes, reportages et longs entretiens. Le nouveau magazine Society mixe éclectisme et liberté.
dans l’hebdo N° 1344 Acheter ce numéro
« Vous connaissez beaucoup de gens au RSA ? Parce qu’un couple au RSA avec trois enfants, même s’il arrive à gratter tout le panel des aides, ça fait pas lourd… » Et François Fillon de répondre : « L’idée générale, c’est d’arriver à des situations plus claires, plus justes, plus transparentes, pour éviter le clientélisme et des frais de gestion beaucoup trop élevés. » On ne saura pas si l’ancien Premier ministre connaît beaucoup de gens au RSA. La question rebondit sur son idée selon laquelle « il n’est pas juste que des gens qui sont au Smic, qui bossent très dur, aient un pouvoir d’achat moins élevé ou équivalent à d’autres qui dépendent exclusivement du système social ».
Les journalistes auront beau reprendre que « cette fraude est très marginale », ça n’en fait pas moins des salauds d’assistés ! Moment de choix dans cet entretien dans lequel, entre deux confidences, Fillon refuse de répondre aux questions embarrassantes, botte en touche. Sur son entente avec Poutine, sur sa position aux dernières élections dans le Doubs, refusant de soutenir la candidature PS face au Front national. Au mieux, il exprime son désir de réformer la France, mais n’apporte pas même de projet concret à son dessein. Au passage, il égratigne Wauquiez, Estrosi, Copé. Long entretien mené par Franck Annese, Vincent Berthe et Stéphane Régy, « François Fillon enlève ses pompes » figure en une de ce premier numéro de Society. Une couverture particulièrement graphique, chargée, surchargée, presque vintage. Aux côtés de Fillon, un baron de la drogue américain sur Internet, Ross Ulbricht, rattrapé par le FBI, une enquête sur Victoria Beckham, versée dans la mode, une autre sur Tinder, site de rencontres, ne manquant ni de piquant ni de scandale, un entretien avec Abderrahmane Sissako, réalisateur de Timbuktu, ou encore un reportage sur 3 500 fans de musique métal embarqués sur une croisière, un autre sur les « My Way killings », ces amateurs de karaoké aux Philippines exécutés pour avoir mal chanté le tube de Frank Sinatra. À l’intérieur du magazine, on peut aussi lire deux sujets originaux : au Laos d’abord, où les Américains avaient largué 270 millions de bombes. Quatre décennies plus tard, elles tuent encore près de 500 Laotiens chaque année. Le second, plus rocambolesque, rapporte un fait divers : un homme s’introduit dans une maison pour y voler de quoi nourrir sa famille. Il se blesse. Parce que son sang risque de révéler son ADN, il met le feu à la maison. Deux tableaux de Braque et de Picasso partent en fumée. C’est ballot. L’homme écopera de cinq ans de prison. Quand l’absurde se cogne au drame, la détresse à la malchance.
Le fait divers dans ce qu’il dit de notre époque, c’est aussi l’ADN de ce nouveau journal de société, autoproclamé « quinzomadaire en liberté », à une certaine distance de l’actu, au ton souvent ironique, sortant aussi des frontières de l’Hexagone, éclectique, qui additionne des piles de brèves (plus ou moins intéressantes, à vrai dire), mais surtout des articles de six à huit pages (à côté certes de 25 à 26 pages de pub sur 156). Où l’on apprend toujours quelque chose, suivant un rythme varié. À l’heure du tout-info, ce n’est pas rien. Édité par la société So Press, fondée par Franck Annese il y a douze ans, laquelle publie déjà So Foot, So Foot junior, So Film (sur le cinéma), Pédale (sur le vélo) et Doolittle, réservé aux parents, le journal vise les 25/45 ans. Il n’est pas interdit de sortir du rang. Résolument à contre-courant, pariant sur le kiosque plutôt que sur le Web (même si le titre entend enrichir son contenu sur tablettes et mobiles), Society est tiré à 200 000 exemplaires. Objectif : 60 000 ventes et 10 000 abonnés. En 2003, quand Franck Annese a créé le mensuel So foot, on lui donnait peu de chances. Il en est aujourd’hui à 53 000 exemplaires vendus en kiosques.