Stigmatisons les « socialistes »
Ces gens ont propulsé l’FN vers les sommets d’où ils prétendent aujourd’hui le déloger.
dans l’hebdo N° 1344 Acheter ce numéro
Manuel Valls, Premier ministre « socialiste », a déclaré – sans rire, semble-t-il (et pour sidérant que puisse paraître le fait qu’il arrive à expectorer sans pouffer d’aussi gigantesques énormités) – qu’il « revendiqu [ait] la stigmatisation de Marine Le Pen ». Cette déclaration s’insérait dans une séquence un peu longue et lourdingue où ledit M. Valls est allé criaillant, en substance, qu’il craignait que ses compatriotes n’aient pas suffisamment pris conscience du risque que le parti de ladite Pen – l’FN, donc – fasse, aux prochaines élections, des scores un peu conséquents.
Cette séquence elle-même s’inscrivait dans une plus vaste démonstration du gouvernement et du Parti « socialiste », durant laquelle, notamment, le député Jean-Marie Le Guen (dont la dignité sera, pour son immensité, saluée dans les siècles des siècles) a proféré que « la gauche de la gauche », avec « ses outrances anti-économiques » et « sa haine de l’Europe et du capitalisme », sapait « les fondements de la République » et porterait par conséquent – car c’est ainsi que raisonne ce personnage – une lourde responsabilité dans les succès électoraux à venir de l’extrême droite. La finalité de cette manœuvre est connue : il s’agit de suggérer au bon peuple, pour le cas qu’il serait tenté – à Paris comme à Athènes – de lui donner de la voix lors de prochains scrutins, que la gauche sans guillemets favorise l’ascension du parti pénique, contre qui les « socialistes » sont, dès lors, quelque chose comme le dernier rempart.
Mais, dans la vraie vie, M. Valls pratique également (sans toutefois, reconnaissons-le lui, la « revendiquer » aussi nettement que celle de « Marine Le Pen » ) la stigmatisation, éventuellement féroce, des Roms (dont il juge qu’ils ont « vocation à revenir en Roumanie » ) ou des musulman(e) s. Ce faisant, il normalise, sur de tels sujets, la démagogie du Front national – qui tient peu ou prou (et plutôt prou que peu) les mêmes discours, mais qui peut du moins se prévaloir, dans leur expression, d’une authentique ancienneté. De son côté, M. Le Guen, tout comme l’immense majorité de ses voisin(e)s de parti, aime à feuler qu’il s’est, de longue date, rendu au capitalisme – et donné pour mission de chanter ses vertus, sans jamais plus considérer qu’il fait dans la plèbe d’infinis ravages : c’est grâce à cela que la Pen a pu mélanger son nationalisme de plusieurs mesures d’un socialisme verbal dont nous savons qu’il est de circonstance(s), mais qui, vu de loin, peut assurément donner, et pour cause, l’impression d’être plus vigoureux que celui de MM. Le Guen et Valls et consort(e) s.
Par ce double apport – où l’excitation des passions xénophobes va de pair avec le reniement de toute promesse de plus de justice sociale –, ces gens ont propulsé l’FN vers les sommets d’où ils prétendent aujourd’hui le déloger : c’est pourquoi nous devrions revendiquer avec (beaucoup de) force la stigmatisation de ces tartuffes.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.