We shall overcome

Imagine ça : nous sommes aux États-Unis, dans le tout début des années 1960, la lutte pour les « droits civiques » (comme on dit pudiquement) bat son plein, et je te prie de croire qu’elle est un peu exigeante quand t’as en face de toi la racaille cotonniste au grand complet, avec son Klan et ses keufs – et leurs chiens dressés pour tuer.

Nobstant, de jeunes – et moins jeunes – Blanc(he)s s’engagent tous les jours dans ce prenant combat, non loin (et aux côtés) d’organisations noires plus ou moins radicales, qui vont, grosso merdo (et en simplifiant vraiment beaucoup), des partisan(e)s du (bon) docteur King aux Black Panthers, qui, pour ce qui les concerne, peuvent, c’est vrai, se montrer certaines fois un peu râpeux dans leur rapport à l’autre – mais d’un autre côté, je te prie : est-ce que tu ne finirais pas par t’équiper toi aussi de quelques arguments contondants si tu te faisais quotidiennement ch*** dessus, depuis de longues générations, par des esclavagistes endogames ?

Donc, ces jeunes Blanc(he) s vont – mû(e)s par quelque chose d’assez décent – pour protester contre le racisme – mais voilà que soudain, et sur leur droite, s’érige un tribunal dont les juges se montrent si rageurs (et si vindicatifs) qu’on les soupçonnerait presque d’être les proies d’une infinité de névroses : tou(te)s sont d’une « gauche » comme il faut, progressiste comme t’imagines pas, et qu’émeut donc le sort des Blacks, et qui n’est pas loin de penser qu’il ne messiérait point que l’on avançât enfin le début de l’émancipation de l’indigénat de couleur du Sud confédéré, MAIS (car il y a un MAIS) qui estime aussi que les droits civiques, c’est très bien, c’est très gentil, MAIS le brave petit Teddy ferait bien de mieux vérifier qui se tient sur ses bords dans les manifs où il brandit quelques slogans limite exagéreux, genre «  we shall overcome  » – parce que bon, Teddy, vois-tu pas que ces gens qui se réunissent à plus de trois Noir(e)s dans nos rues sont quand même très communautaristes  ? Et vaudrait-il pas mieux qu’on les soutienne entre nous –  White only de bonne compagnie, éventuellement mélangé(e)s (car n’oublie pas que nous sommes de « gauche ») de quelques Nègres dociles ? Imagine ça, disais-je.

Puis, si (comme je le soupçonne) tu te demandes pourquoi je te raconte ça, va donc regarder les réactions outragées de la « gauche » républicarde (et par exemple de quelques bosses d’EELV), après l’annonce que se tiendrait, ce 6 mars à Saint-Denis (dans le département de la Seine-du-même-nom), un meeting unitaire contre l’islamophobie auquel appellent, en même temps que des assos et partis de gauche (sans guillemets), des orgas qui outrent leur effronterie jusqu’à se proclamer musulmanes –  non mais pour qui se prennent-elles-ce, nom d’un Jules Ferry ?

Et dis-moi, franchement, s’il n’y a pas là quelques coups de pied au cul qui se perdent.