Bio : Sylvestris, la riche holding familiale qui dirige Ecocert
Où sont passés les bénéfices et qui détient le capital d’Ecocert, principal certificateur de l’agriculture biologique et numéro un mondial de la certification de produits biologiques ? La réponse est dans la discrète holding familiale du doux nom de Sylvestris, inconnue des salariés en grève d’Ecocert, qui ces dernières années a engrangé des sommes rondelettes.
Des bas salaires pour les salariés, mais de gros revenus pour la famille Vidal qui dirige le groupe Ecocert, numéro un mondial de la certification de produits biologiques et numéro un de la certification de l’agriculture biologique en France. Depuis qu’un mouvement de grève a débuté le 7 avril, à l’appel de la CGT et la CFDT, au sein d’Ecocert France, la principale filiale du groupe, les salariés sont très remontés contre une direction très pingre sur la question des salaires, mais qui ne s’oublie pas au travers d’un montage financier opaque.
Les salaires « sont particulièrement bas (la très grosse majorité en dessous de 1 500 euros net mensuel, certains salaires oscillant entre 1 200 et 1 300 euros !!!), malgré un niveau de qualification des salariés très élevé (essentiellement entre bac+2 et bac+5, avec de nombreuses années d’expérience) » , expliquent la CGT et la CFDT, qui ajoutent : « Lorsqu’on prétend être “au service de l’homme et de l’environnement”, on se doit d’être exemplaire tant sur les questions écologiques que sociales » .
La direction n’aurait concédé qu’une augmentation de 36 euros net, « pour sortir du mouvement… Ce n’est pas acceptable pour les salariés. Nous souhaitons de véritables négociations » , ajoutent les deux syndicats, qui pointent un William Vidal, PDG de groupe Ecocert, aux abonnés absents. De son côté, la CGT relève les exonérations sociales et fiscales du groupe qui affiche une bonne santé financière et a augmenté ses cadres dirigeants « d’environ 3 % alors que nous sommes en grève » , révèle Thomas Vacheron, délégué syndical CGT.
Certes, les comptes annuels d’Ecocert SA montrent que l’entreprise a bénéficié en 2013 d’une exonération de 36 845 euros, au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et que ses actionnaires ont empoché un dividende de 479 600 euros. Mais, alors qu’ils entament leur deuxième semaine de grève, les salariés s’interrogent aussi sur les véritables détenteurs du capital du groupe.
Les dessous du montage financier
Officiellement, le certificateur Ecocert est structuré en cinq entreprises : Ecocert SA, la société mère, Ecocert France SAS, Ecocert Greenlife SAS, Ecocert Environnement SAS et Ecocert Expert Consulting, une SAS récemment créée avec un associé unique. La famille Vidal est au commande de la société mère. William Vidal en est le PDG et Jérémie Vidal l’un des administrateurs. Les Vidal cumulent certes les postes de direction, et les émoluments, d’un groupe qui emploie 840 salariés (chiffre de 2012), dispose de 23 bureaux et filiales et propose ses services dans plus de 80 pays, indique le site Internet d’Ecocert. Selon les comptes annuels de l’année 2013, Ecocert SA est en réalité à la tête d’une trentaine de filiales dans le monde, une opération qui peut s’avérer très lucrative : la seule filiale Ecocert France, principal certificateur de l’agriculture biologique en France, a réalisée 14,4 millions d’euros de chiffre d’affaires et près d’un million d’euros de bénéfices en 2013, ce qui a fait dire à William Vidal : « On peut faire des affaires, réussir et être écoresponsable » .
Le capitalisme vert familial est donc promis à un bel avenir et offre une belle opportunité qui ne s’arrête pas à la seule direction de la maison mère et aux rémunérations afférentes. Une société du nom de Sylvestris a été créée en 2006 par William Vidal, son fils, Jérémie Vidal, et sa fille, Jennifer Vidal, avec un apport initial de 20 000 euros. L’objet social de la petite entreprise est de prendre des participations financières ou d’intérêts « dans tous groupements, sociétés et entreprises industrielles, commerciales, financières et immobilières, françaises ou étrangères », indique ses statuts.
Une holding qui rapporte
Mis à jour en juillet 2014, les statuts de la SAS Sylvestris montrent que la société est en fait une holding dont les seuls associés sont William Vidal, Jennifer Vidal et Jérémie Vidal… Ce dernier, récemment nommé directeur technique du groupe Ecocert, est devenu en décembre 2014 le directeur général de Sylvestris, une société dont le capital a bondi de 5,7 millions d’euros en 2013 à près de 11 millions en 2014.
Sans salarié, la holding est domiciliée à L’Isle Jourdain, dans le Gers, à la même adresse qu’Ecocert. Sylvestris engrange des bénéfices issus de ses seuls produits financiers : 245 489 euros en 2013, 214 000 euros en 2012, et détient désormais la société mère Ecocert SA, à hauteur de 98,32 % .
Au 31 décembre 2013, les comptes annuels font apparaître une « valeur comptable de l’ensemble des titres détenus » par Sylvestris estimée à 21,5 millions d’euros. Et lors de l’assemblée générale du 30 juin 2014, son président, William Vidal, a relevé que « les comptes présentés font ressortir un montant total à disposition de l’assemblée de 8 795 476,10 euros » , un pactole durement acquis par la famille, dont les salariés d’Ecocert ne profiteront pas. Au nom de la compétitivité insuffisante du groupe ?
Les salariés d’Ecocert sont en réalité face à un capitalisme familial qui a mis la main sur une structure qui aurait pu relever de l’économie sociale et solidaire pour la certification de l’agriculture biologique en France. Ce qu’elle était à son origine.
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