Des amateurs au secours des scientifiques

De plus en plus d’associations sollicitent les citoyens pour participer à leurs programmes d’observation et de recherche.

Claude-Marie Vadrot  • 30 avril 2015 abonné·es
Des amateurs au secours des scientifiques
© Photo : Frédéric Cirou / Photo Alto / AFP

Le Muséum national d’histoire naturelle vient de lancer un programme de recherches citoyennes sur la biodiversité du territoire français. Il s’appuie pour cela sur un double constat. D’abord, il n’existe plus suffisamment de chercheurs salariés de l’État pour évaluer ce territoire ; ensuite, des milliers de citoyens sont volontaires pour tenir la chronique des espèces végétales et animales présentes près de chez eux, qu’ils soient ruraux, banlieusards ou citadins, et ce sans forcément posséder de solides connaissances naturalistes. Les bourgeois et les aristocrates du XIXe siècle qui servaient de correspondants à cette institution créée en 1793 par un décret de la Convention sont désormais remplacés par les bénévoles de l’opération « 65 millions d’observateurs ». Pour les mêmes raisons, des associations de protection de la nature recrutent elles aussi désormais des volontaires. Souvent de simples amateurs que passion et participation transforment rapidement en scientifiques. C’est le cas de ceux qui suivront et alimenteront l’opération relancée par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « Devine qui vient nicher chez moi », qui durera jusqu’à la fin septembre.

Fier d’avoir rassemblé 10 000 personnes pour observer les papillons, heureux d’en avoir réuni d’autres milliers pour répertorier escargots et limaces, la vie animale en bord de la mer, sauterelles ou plantes sauvages poussant dans les rues, le Muséum élargit sa quête à toute la France. L’écologue Benoît Fontaine, un des responsables de cette opération, précise qu’elle vise à mobiliser le grand public, « celui qui veut apprendre, savoir et aider ». Les scientifiques pensent accumuler des millions de données. Et dans quelques mois leur site donnera les résultats des observations aux participants.

www.vigienature.mnhn.fr pour les premières statistiques.

L’association anime ainsi le gisement de ceux qui veulent agir, au-delà de ses 45 000 membres. Les volontaires inscrits sur le site de la LPO [^2] devront repérer, identifier et situer les oiseaux sortant d’un nid. Dans leur jardin, depuis leur balcon ou dans « l’espace virtuel » qu’ils auront choisi et défini dans un parc urbain ou dans la campagne. « Ce n’est pas compliqué, explique Stéphanie Berens, responsable des programmes du réseau de l’association. Les gens apprennent petit à petit à reconnaître les espèces. Dès qu’ils nous rejoignent, ils reçoivent une brochure répertoriant les oiseaux les plus communs. Ceux dont la raréfaction ou l’augmentation nous intéresse, ceux pour lesquels les scientifiques se posent des questions, ceux dont les écosystèmes ont changé. Le moineau, l’hirondelle des fenêtres, l’alouette, le rouge-gorge ou le verdier, par exemple. Des espèces dont les populations ont régressé de 30 à 40 % au cours de la dernière décennie alors que le nombre de mésanges bleues a crû de 80 %. » Des observations des uns et des autres, la LPO, tirera des statistiques et des conclusions sur les circonstances écologiques qui aident certains oiseaux à s’en sortir mieux que d’autres, que ce soit en banlieue, en ville ou au cœur d’espaces naturels. Gérard, 35 ans, informaticien dans l’Indre, explique sa nouvelle passion : il n’a pas de jardin mais a demandé à un voisin plus chanceux s’il pouvait venir deux fois par jour dans le sien pour y observer les oiseaux qui ravitaillent leurs nids. « Sans Internet et sans le formulaire en ligne, je ne me serais pas lancé, confie-t-il. Mais là, c’est facile, et j’en ai déjà repéré une dizaine que je reconnais au premier coup d’œil, car j’y vais tous les jours. Cela me passionnera de voir sur le site si mes observations coïncident avec celles des autres participants. » Il vire peu à peu ornitho et s’est même trouvé un correspondant près de Londres pour échanger sur son nouveau hobby.

« Sur le site, explique Stéphanie Berens, les amateurs trouvent des fiches par espèce et, quand ils ont un doute, ils peuvent nous envoyer la photo de l’oiseau qu’ils ne parviennent pas identifier. Ils nous aident et apprennent en même temps. Plus il y a de participants, plus les résultats sont significatifs. Pour l’instant, nous recrutons surtout en Bretagne, sur le littoral Atlantique et en Alsace. » Le rôle de la LPO est d’organiser le travail des volontaires, de les sensibiliser à la nature vivante et ensuite de participer au travail scientifique du Muséum, qui, grâce à cette collecte de données, pourra dresser un portrait de la biodiversité française au plus près de sa réalité.

[^2]: enquetes.lpo.fr pour télécharger le questionnaire et participer au week-end d’observation collective des 30 et 31 mai ; jeu-ornithologie.fr pour participer au jeu Cui Cuizz sur les oiseaux ; www.oiseauxdesjardins.fr pour participer à l’Observatoire des jardins.

Écologie
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