La nouvelle UMP ne convainc pas

Le parti de Nicolas Sarkozy se dotera fin mai de nouveaux statuts et d’un nouveau nom, mais la recette reste inchangée. Parole de jeunes UMPistes rencontrés au meeting de Nice, le 22 avril.

Erwan Manac'h  • 30 avril 2015 abonné·es
La nouvelle UMP ne convainc pas
© Photo : JEAN-CHRISTOPHE MAGNENET / AFP

Les tirades grandiloquentes de Nicolas Sarkozy font un flop. « Créer le premier parti du XXIe siècle », « rendre de la noblesse au statut d’adhérent », « recréer la confiance »… La salle Nikaia de Nice, mercredi 22 avril, n’est pas venue pour ces explications de texte brumeuses. Elle veut communier avec son chef et les gros bras de la droite azuréenne : Éric Ciotti, Christian Estrosi, Hubert Falco, rejoints par Jean-Claude Gaudin. Elle veut conspuer Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem. Acclamer Éric Ciotti, qui « ne veut pas d’une France voilée », et l’ex-président de la République en dernier rempart contre le communautarisme, pour sauver « le mode de vie que nous ont transmis nos parents ». Ils seront servis copieusement dans ce bastion de la droite dure, qui enregistrait les plus hauts taux de vote pour Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012.

Mais Nicolas Sarkozy est là pour tenter de sauver une opération de com’ mal embarquée. « J’ai entendu le message de nos électeurs, clame le président de l’UMP devant 2 500 militants et sympathisants, nous devons moderniser notre famille politique. » Las, 56 % des sympathisants de droite rejettent « Les Républicains », le nouveau nom que l’UMP doit se donner lors du congrès du 30 mai à la Villette, à Paris (selon un sondage Odoxa pour iTélé). Une action en justice pour usurpation de terme sera lancée par un avocat et ancien adhérent socialiste, le 5 mai, jour du vote définitif de ce changement par le bureau politique du parti. Et les véritables raisons de ce sixième changement de nom depuis 1958 n’échappent à personne, jusque dans les rangs de l’UMP (lire ci-dessous).

Seul changement notable dans les nouveaux statuts, le futur parti fera voter ses adhérents pour élire son bureau politique et les présidents des fédérations départementales. Voici les termes de « l’idéal refondé » selon Nicolas Sarkozy. C’est pourtant sur un simple coup de fil que le président de l’UMP a nommé la tête de liste pour les régionales en Paca, Christian Estrosi, le 14 avril. Derrière la dernière couche de peinture, l’UMP reste surtout en proie au bal des égo. En particulier pour le choix de son candidat en 2017, car c’est déjà l’enjeu de tous les débats. Six prétendants sont déclarés pour la primaire ouverte des 20 et 27 novembre 2016 (Sarkozy, Juppé, Le Maire, Fillon, Bertrand et Kosciusko-Morizet). À un an et demi de l’échéance, un sondage donne même Nicolas Sarkozy et Alain Juppé à 51 % et à 49 % des intentions de vote dans un éventuel second tour. Cet exercice, contre-nature à l’UMP, a été imposé par François Fillon en échange de sa reddition dans la guerre face à Jean-François Copé, en 2012.

Sur le fond, rien de nouveau non plus. Il s’agit bien de battre le FN sur son terrain, à commencer par la région Paca, « où va se jouer en décembre une bataille nationale », harangue Nicolas Sarkozy. Fidèle à sa ligne droitière, le président de l’UMP déroule son lexique habituel, égrenant ce que « Les Républicains » ne sont pas : le communautarisme, le socialisme, l’assistanat, « l’immigration sans contrôle ». Tout comme il proposait, mi-mars, de supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires au nom de la laïcité et d’interdire le port du foulard à l’université, il a missionné une convention sur l’islam. Henri Guaino et Gérald Darmanin, l’ancien directeur de campagne du sulfureux Christian Vanneste, rendront leurs conclusions cinq jours après le congrès du 30 mai. De quoi rester à l’agenda médiatique. Dans l’assistance, en majorité des retraités, quelques jeunes de la génération Sarkozy sont venus écouter le chef de file de la droite. Ils espèrent surtout que les primaires ne tourneront pas de nouveau à la tragicomédie.

Xavier Wiik, 32 ans : Il faut sortir du clivage gauche/droite

Comme souvent, Xavier est venu écouter Christian Estrosi en auditeur curieux et… solitaire. Car, comme d’habitude, « il n’y a aucun jeune autour de [lui] ».

Le changement de nom de l’UMP, c’est « une logique de communication. Il permet de tirer un trait sur l’affaire Bygmalion. La ligne, elle, ne change pas », estime le militant.

Xavier a pris sa carte après le 21 avril 2002, pour combattre le FN, et a failli la rendre lors de la guerre Copé-Fillon. Il espère au moins un « changement de mentalité », « que les barons locaux passent la main ». Sarkozy a encore une chance à ses yeux, sauf « s’il se présente avec le même programme et la même équipe qu’en 2007 ». Notamment sur l’islam et l’identité nationale, qui « n’intéressent plus vraiment » Xavier. « Il faut sortir du clivage gauche-droite », assure-t-il. 

Maxime Cacciutolo, 22 ans : Nicolas Sarkozy gêne certains Français

Maxime parle comme un tract. Avec ses autocollants et son tee-shirt « Fier de ses valeurs », il ressemble d’ailleurs à un tract.

Ce responsable de l’UNI, syndicat étudiant de droite, n’a cependant pas parfaitement intégré les éléments de langage sur le « renouveau » de l’UMP : « Il fallait changer [de nom] parce que l’UMP est malheureusement associée à certains petits problèmes. Il faut montrer une ­nouvelle dynamique. » Avec un ancien président aux commandes ? « Bien sûr, Nicolas Sarkozy est le plus à même d’y arriver, de par son expérience », assure-t-il, jugeant toutefois que « c’est le personnage qui a gêné certains Français, plus que le programme ».

Le fond, d’ailleurs, ne semble pas son fort. « Ce qu’il faut changer ? Tout ce qu’a fait le gouvernement depuis trois ans », ricane Maxime avant de tourner les talons.

Tidiane Coulibaly, 24 ans : L’affaire Khadafi, j’ai l’impression que c’est vrai

Tidiane est un néophyte. Il n’a connu ni la « tolérance zéro » ni le débat sur l’identité nationale. Le changement de nom, il le trouve « très important », « pour que tout ce qui est sorti [pendant la guerre Copé-Fillon] reste à la poubelle et qu’on reparte de zéro ».

Tidiane s’informe beaucoup sur YouTube. Et les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy, en particulier le financement présumé de sa campagne électorale de 2012 par Kadhafi, il a « l’impression que c’est vrai ». « Ça discrédite Sarkozy au plan international, mais pas au niveau français, où il est vu comme une star grâce à son statut d’ancien président. »

Le discours contre les repas de substitution dans les cantines scolaires, « Sarkozy n’aurait pas dû le tenir. Quand on pense au nombre de musulmans qu’il y a en France… ».

Arnaud, 30 ans, et Éléonore, 28 ans : La politique, c’est un homme contre un homme

Éléonore et Arnaud n’ont rien contre les salles de shoot. Ils se demandent « pourquoi on a mis tant d’années à légaliser le mariage pour tous » et ils ­n’aiment pas le discours de la Droite populaire sur l’assimilation. S’ils sont à l’UMP, c’est surtout pour la ­personnalité de Nicolas Sarkozy. « Un personnage emblématique, seul capable de tenir la France », estime Arnaud, venu écouter ce que celui-ci propose, tout en réservant son choix pour les primaires de 2017.

« Si Sarkozy vire trop à l’extrême droite ou trop au centre, je ne le suivrai plus », assure-t-il. En 2012, Éléonore et lui auraient même voté pour Dominique Strauss-Kahn si celui-ci s’était présenté. « La politique c’est un combat. C’est un homme contre un homme », résume Arnaud.

Quant au changement à l’UMP, ils n’y croient pas plus que les autres : « Vu la réputation du terme UMP, il y a un intérêt politique à changer de nom, même si les valeurs restent les mêmes », juge Éléonore, qui regrette toutefois les vaines polémiques, « surtout développées pour taper sur le parti d’en face ».

Politique
Temps de lecture : 7 minutes