Le racisme, un délit comme un autre ?
L’injure et la haine raciale seront retirées de la loi sur la presse pour être intégrées au code pénal, malgré l’opposition des associations.
dans l’hebdo N° 1350 Acheter ce numéro
Les associations antiracistes sont majoritairement réticentes sur le volet répressif du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, présenté le 17 avril par Manuel Valls. Les infractions d’incitation à la haine raciale ou d’injure raciste vont désormais sortir du droit de la presse pour se fondre au code pénal, comme n’importe quel délit de droit commun. Conséquences : un délai de prescription rallongé et des sanctions plus lourdes, notamment sous forme de travaux d’intérêt général ou de « stage de citoyenneté ». « Il faut sortir de l’illusion sécuritaire, réagissait samedi Dominique Sopo, président de SOS Racisme. Lutter contre le racisme ne passe pas par une mise au pas constante de la société, mais par sa mobilisation. » Même inquiétude au Syndicat des avocats de France : « Nous sommes dans des affirmations de principe qui penchent toujours vers le répressif, juge Joëlle Vernet, avocate au barreau de Grenoble. Il faudrait pour commencer que le parquet poursuive les infractions de propos racistes, notamment lorsqu’elles mettent en cause des policiers. »
Des inquiétudes également liées au changement de procédure qu’implique cette réforme. La loi sur la presse exclut les comparutions immédiates et permet « un exercice de justice serein et pédagogique », estime la Ligue des droits de l’homme (LDH). Conditions qui ne seraient plus garanties par la procédure qui régit les délits du code pénal. « Un délit de racisme sera jugé entre deux affaires d’escroquerie et un cambriolage, s’inquiète Pierre Tartakowsky, président de la LDH, dans une tribune publiée sur le site de l’Obs. Quid, dans ces conditions, de la solennité pédagogique ? Les délits dont il est question – et que la loi de 1881 permet de réprimer – sont de nature complexe et ne sauraient être expédiés à la va-vite, au risque de malmener quelques libertés fondamentales. »
Une justice sévère et expéditive pourrait aussi favoriser, comme l’a montré le cas Dieudonné, la victimisation des accusés. Seules la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) se sont déclarées favorables au projet. Le plan prévoit par ailleurs 100 millions d’euros sur trois ans pour faire de la sensibilisation et accentuer le contrôle des dérives racistes sur Internet. Il s’appuie sur les associations antiracistes pour promouvoir un contre-discours sur le Web et organiser une campagne de communication.