L’écologie des pauvres
La bio ou la préservation de la biodiversité sont des concepts de pays riches, où l’on peine à reconnaître cet écologisme des pauvres.
dans l’hebdo N° 1349 Acheter ce numéro
À quoi rêvent les milieux populaires ?, s’interrogeait le dernier Forum national de la désobéissance, le 28 février dernier, à Fontaine, dans l’Isère. La réponse n’est pas venue droite et claire parce que la notion de milieu populaire est aussi imprécise que négligée par les études. En creux, le politologue Paul Ariès affirme qu’on n’y nourrit pas les mêmes rêves que dans les milieux riches. Et en particulier : pas celui de surconsommer « quand il y aura de l’argent », car il est plus précieux d’aider à sauver la planète. D’ailleurs, les pauvres polluent moins que les riches, parfois même que certains écolos déclarés. « Écologistes, nous ? » Au village Emmaüs de Lescar-Pau, qui vit du recyclage et où l’on mange naturel, Serge tique. « Je n’aime pas trop ce mot qui ne nous appartient pas. » Il y a quinze ans, les Verts tentaient d’inventer une « écologie populaire ». Sans guère de succès, en partie parce que ce projet est pensé par des personnes aisées, pour d’autres dont le premier souci n’est pas de changer leur vieille voiture. La bio ou la préservation de la biodiversité sont des concepts de pays riches, où l’on peine à reconnaître cet écologisme des pauvres, culte de la Terre-mère (Pachamama) ou Bien-vivre ( Buen vivir ) des Andins, bataille des « Atteints par les barrages » brésiliens pour sauver les fleuves, résistance des petits paysans indonésiens face aux immensités plantées en palmiers à huile. Partout la même antienne dans ces milliers de luttes contre l’ogre nourri par la surconsommation et habité par la quête du profit : « Nous ne voulons rien d’autre que de pouvoir vivre tranquille sur nos terres pour assurer notre subsistance et celle de notre descendance » : le rêve élevé, humaniste et écologiste de bien des pauvres sur la planète.