L’espoir : un chantier d’avenir

Partout en France, les « chantiers d’espoir » ont réuni les militants de toutes les familles de la gauche du PS pour travailler à un projet commun. Une première étape encourageante.

Erwan Manac'h  • 16 avril 2015 abonné·es
L’espoir : un chantier d’avenir
© Photo : Erwan Manac'h

Cela commence par un moment de flottement. Le PowerPoint de présentation des « chantiers d’espoir » s’est enrayé, comme la voix de Caroline De Haas, coorganisatrice. « Présentez-vous par votre prénom et ne dépassez pas 3 minutes lors de vos interventions », lancent deux maîtres de cérémonie qui cherchent encore le ton adéquat, entre blagueur et solennel. Car l’entre-soi s’est élargi, ce samedi après-midi à l’Espace Charenton, à Paris. La foule compacte et disciplinée finit par comprendre le concept, établi sur proposition des internautes. Les chaises sont mises en rond pour former des groupes d’une quinzaine de personnes. Pour commencer, choisir un thème. Le voter si besoin à main levée. Puis débattre sur le fond, sans forcément faire connaître son appartenance militante à ses camarades. Les propositions plus ou moins concrètes qui émergent des débats seront consignées sur des post-it de couleur. Leur masse forme bientôt une fresque sur les murs. Elle sera fondue avec les apports des 32 réunions qui se tenaient partout en France au même moment ou presque.

Premier constat, la salle de 300 places est presque pleine. « Nous faisons deux fois mieux que lors de notre première réunion », le 7 février, assure un jeune volontaire chargé de sillonner les rangs de chaises en plastique pour aider les participants. L’assemblée est multigénérationnelle. Elle compte surtout des militants politiques, associatifs ou syndicaux et quelques non-encartés. Les partis de la gauche du PS sont tous représentés, de Nouvelle Donne au PCF en passant par EELV, à l’exception du NPA. Le Parti de gauche a joué le jeu, malgré le lancement en septembre 2014 du Mouvement pour la VIe République et de sa plateforme « Nous le peuple », qui compte 84 000 signataires. Les ténors sont là aussi, qui se font discrets : Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, Cécile Duflot et Clémentine Autain resteront loin des micros. Le projet est né en novembre 2014. « Les militants se sont retrouvés pour construire une dynamique regroupant toutes les composantes de la société », raconte Caroline De Haas, de l’association Osez le féminisme. Ensemble !, le mouvement de Clémentine Autain, y injecte son énergie, réunit des référents de chaque famille politique pour préparer un texte de lancement. Ce dernier est publié le 22 janvier [^2], sans grands relais médiatiques, et chemine depuis avec l’ambition de lever les énergies partout en France. « Nous avons souhaité commencer par une chose simple : se réunir et travailler ensemble. C’est le plus facile, mais nous ne l’avions jamais fait », sourit Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic. Au-delà du travail de fond, les penseurs des chantiers d’espoir veulent surtout renouveler les méthodes : une participation plus horizontale et l’ouverture sur la société civile, sans conditions d’appartenance ou de passé militant.

Cette remise en question a mûri à tous les étages, accélérée par le marasme de la gauche sous l’ère Hollande et par des exemples de réussite chez nos voisins européens. Le constat de départ est donc encourageant, même si le plus dur reste à accomplir : amplifier le mouvement en s’ouvrant en dehors des réseaux traditionnels. Notamment chez celles et ceux qui ne peuvent plus voir les partis et leurs porte-parole en peinture. On pense à l’attrait des cyber-mobilisations (hashtag #Chantiersdespoir !) et on imagine les termes d’une participation citoyenne réinventée. « Nous essayons d’ouvrir un cadre pour l’ensemble de la population, car la réalité, c’est qu’il y a un tas de gens qui ne sont pas représentés aujourd’hui », constate un militant d’Ensemble ! Sur la question, Nouvelle Donne a engrangé quelques certitudes : « Il faut abandonner le logiciel du siècle dernier. Pour les gens de ma génération, par exemple, le mot “gauche” ne veut rien dire. L’enjeu est de comprendre la société dans laquelle nous évoluons, et la fenêtre de tir sera étroite », juge Joseph Boussion, porte-parole national de Nouvelle Donne et primo-arrivant en politique, comme les trois quarts, selon lui, des 7 500 adhérents du mouvement. Les partis sont-ils prêts à effacer leur étiquette au service d’un mouvement transversal ? Pourquoi pas, répond Jean-Luc Mélenchon : « Nous réfléchissons à deux options au Parti de gauche : une coalition de forces [comme le Front de gauche] ou une assemblée citoyenne qui emporte les partis. Mais nous n’allons pas prendre le risque de tout faire sauter pour rien. » Le PCF joue aussi l’ouverture, mais se tient prêt à actionner le frein : « La construction de l’alternative doit marcher sur ses deux pieds. Il faut une implication grandissante des citoyens et une implication des familles politiques », modère Pierre Laurent, qui fait pourtant sien le projet des chantiers. L’objectif, pour le secrétaire national du PCF, est de « résister au piège de la guerre des chefs ». « La question de la candidature ne sera résolue que si nous arrivons à un socle commun solide. »

Fin des ateliers. Une synthèse des propositions est soumise à l’analyse de quatre intervenants, qui tentent de donner un peu de hauteur de vue. Edwy Plenel, verbe de combat et discours politique, dessine des perspectives : « Nous devons fédérer les luttes pour l’égalité, faire tomber les crispations identitaires en affirmant nos spécificités, pour amplifier la mobilisation et arriver à une authentique assemblée délibérative en 2017. » L’accord est au moins unanime sur un point : l’élan citoyen qui doit emporter les cloisons de la gauche ne se décrète pas. Il s’oriente et s’accompagne, tout au plus. Les chantiers d’espoir doivent donc se faire une place dans le paysage et espérer que la greffe prenne. « La société se disloque, prévient Jean-Luc Mélenchon. La question n’est pas “si”, mais “quand” l’explosion aura lieu. » Le prochain rendez-vous est fixé au 20 juin, sous une forme à définir à partir des idées des participants. On pourrait commencer, propose un message anonyme sur le panneau des suggestions, par organiser les prochaines rencontres sur les places publiques. Les conditions météo, elles, au moins, on peut essayer de les prévoir.

[^2]: Notamment sur Politis.fr, voir blog « ES et mouvement social ».

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Temps de lecture : 5 minutes

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