Marcus Miller : Voyages transatlantiques

Sur la planète jazz-funk, 2015 sera l’année Marcus Miller avec un nouvel album ambitieux et une tournée en Europe du bassiste de Miles Davis.

Pauline Guedj  • 2 avril 2015 abonné·es
Marcus Miller : Voyages transatlantiques
© CITIZENSIDE / PAUL CHARBIT

Nommé artiste pour la paix par l’Unesco, le producteur, bassiste, clarinettiste Marcus Miller a pris ses fonctions au sérieux. Son album Afrodeezia est un voyage au cœur de la traite transatlantique. Sur les traces de ses ancêtres, Marcus Miller part en quête des rythmes qui racontent l’histoire de l’esclavage et unissent les populations noires. Le périple commence en Afrique, passe par l’Amérique latine et la Caraïbe, s’achève aux États-Unis, à la Nouvelle-Orléans, à New York et à Détroit. On croise de nombreux invités, Alune Wade, Keb’Mo’, Robert Glasper. Le bassiste compose plusieurs titres et s’offre des reprises ; Papa Was a Rolling Stone des Temptations, «   la ligne de basse la plus décapante de l’histoire » .

Afrodeezia n’est pas la première tentative pour un jazzman afro-américain de collaborer avec des artistes d’Afrique et de la diaspora noire. Au hasard, on se souvient des incursions de Dizzy Gillespie dans la musique cubaine et de l’excellent The Sign and The Seal de Steve Coleman, album enregistré avec le groupe AfroCuba de Matanzas. Pourtant, ce qui fait l’originalité du disque de Marcus Miller, c’est sa qualité d’album « concept », qui cherche à la fois à retracer une histoire, à la transmettre aux générations futures et à s’ancrer dans une musique contemporaine. On y retrouve là les talents visionnaires d’un Marcus Miller producteur qui, tout au long de sa carrière, a donné des signes de son intérêt pour l’histoire des peuples noirs. Marcus est né en 1959 à New York. Il grandit à Jamaica, un quartier caribéen et afro-américain du Queens. Il doit son nom au leader politique Marcus Garvey, qui militait dans les années 1920 pour le panafricanisme. Jeune prodige, il apprend la clarinette puis se convertit à la basse électrique. À 15 ans, il fait son entrée sur la scène new-yorkaise et devient l’un des musiciens les plus demandés en studio. Il est précis, inventif et ses solos de virtuose font chavirer les auditeurs.

À partir de 1981, tout s’accélère. Miller est contacté par le trompettiste Miles Davis. Il le suit en tournée au Japon. L’album tiré de cette expérience s’appellera We Want Miles. La collaboration entre les deux hommes sera fructueuse. En 1986, ils publient l’un des albums les plus célèbres de l’histoire du jazz, Tutu, un message de lutte contre l’apartheid. Le morceau titre est dédié à Desmond Tutu, Full Nelson à Mandela. Miller devient le compositeur et producteur que tout le monde s’arrache, de Luther Vandross à David Sanborn, Grover Washington Jr. ou George Benson. Dans les années 1990, le bassiste se lance enfin dans une vraie carrière solo. Il est acclamé par le public et se révèle comme un chef d’orchestre exceptionnel. Viendront plusieurs albums, The Sun Don’t Lie, Free, ou Renaissance, il y a trois ans, qui contenait déjà une suite musicale parcourant Détroit et l’île de Gorée. Au passage, le musicien publie des pépites, un trio incandescent avec les bassistes Victor Wooten et Stanley Clarke en 2008 et, en 2011, l’émouvant Tutu Revisited, où le répertoire de Miles Davis est réarrangé et interprété par le trompettiste Christian Scott. Afrodeezia marque une étape dans la carrière de Marcus Miller. L’album est peut-être celui où le musicien trouve le plus nettement ce qu’il appelle «  la bonne distance d’avec Miles  », un son post- Tutu, africain, diasporique, qui lui est propre. Ode « à la capacité des peuples à surmonter l’oppression en trouvant l’espoir dans la musique   », Afrodeezia est aussi un regard positif sur une histoire traumatique, un message bienveillant et au bout du compte une œuvre profondément joyeuse. Gageons que les concerts à venir seront aussi euphorisants. Difficile d’en douter.

Afrodeezia , Marcus Miller, Blue Note Records.

Orthez, 5 avril ; Grenoble, 9 avril ; Paris, 13 avril ; Marseille, 15 avril ;

Toulouse, 16 avril ; Lille, 21 avril.

Musique
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