Prostitution : Le Sénat choisit les clients
Retour du délit de racolage, mais pas de pénalisation du client.
dans l’hebdo N° 1347 Acheter ce numéro
Douze ans en arrière. Dans la nuit du 30 au 31 mars, lors de l’examen de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, le Sénat a rétabli le délit de racolage passif instauré par Nicolas Sarkozy en 2003. Dans le même temps, il a rejeté la disposition prévoyant de pénaliser le client. Soit l’exact contraire de ce que proposait le texte. Si la pénalisation divise féministes et associations de prévention, le retour du délit de racolage passif met tout le monde d’accord. Le Mouvement du nid (abolitionniste) dénonce un choix « réac, déshonorant et irresponsable ». Médecins du monde (opposé à la pénalisation) rappelle que ce délit a précarisé et criminalisé les personnes prostituées. La ministre de la Santé a jugé le choix des sénateurs « invraisemblable et régressif », « incroyable et méprisant à l’égard des femmes » .
Si 75 % des sénateurs sont des hommes, 75 % des personnes prostituées sont des femmes. Le texte, adopté à 162 voix contre 42 (mais 125 abstentions), doit revenir devant l’Assemblée. La secrétaire d’État aux Droits des femmes, Pascale Boistard, dit vouloir réintroduire la pénalisation. Qu’en serait-il du délit de racolage passif ? En cas de désaccord avec le Sénat, les députés auraient le dernier mot. Un autre amendement voté par les sénateurs permet le blocage administratif des « sites Internet favorisant la traite des êtres humains et le proxénétisme ». C’est une mesure similaire à celle qui prévoit le blocage des contenus concernés par la loi pour la confiance dans l’économie numérique ainsi que des sites faisant l’apologie du terrorisme. Problème, alerte la Quadrature du Net, qui a soumis aux députés des alternatives « plus efficaces et moins dangereuses » ( via une plateforme de signalement) : elles autorisent le pouvoir administratif à se passer d’un juge et à jouer le rôle de censeur. Aux députés de remettre de l’ordre ?