Sahara occidental : Des avancées pour une issue au conflit ?
TRIBUNE. Le Maroc propose aujourd’hui un plan d’autonomie avec une répartition séduisante des attributions.
dans l’hebdo N° 1351 Acheter ce numéro
La question du Sahara est toujours dans l’impasse. Rarement conflit aura parcouru un circuit aussi complet de tentatives de résolution. Tout ou presque a été essayé. La guerre de positions, tanks marocains contre tanks algériens, lors des batailles d’Amgala en 1976 ; la guerre de mouvements avec les colonnes du Polisario ; la construction par le Maroc du mur immense séparant le territoire du Sahara du nord au sud ; la négociation sous l’égide des Nations unies et le cessez-le-feu ; l’isolement diplomatique du Maroc, qui fut de courte durée ; l’échec de la tentative de référendum de 1995 ; la lutte de la société civile sahraouie (qui a marqué des points importants) ; les négociations avec le Polisario à New York (qui se poursuivent) ; et aujourd’hui le plan d’autonomie, mais toujours l’incertitude. Comment en est-on arrivé là ?
Cela fait plus de quarante années que le peuple sahraoui est en lutte, soit deux générations qui vivent dans les camps de Tindouf, en Algérie, subissant les déceptions, les souffrances et la confrontation répressive des forces marocaines. La situation actuelle découle d’une double erreur stratégique. Celle des organisations démocratiques marocaines, qui, dans les années 1970, ont subordonné la libération du Sahara à la démocratisation du Maroc, priorisant l’affrontement au dur régime d’Hassan II. Et celle du Polisario, qui, plutôt que de se joindre au peuple marocain dans cette lutte, a choisi l’alliance avec l’État algérien. Cependant, à la lumière de faits récents, une perspective semble se dessiner. Tout d’abord, l’amorce d’un dialogue politique – difficile, certes – entre Sahraouis et Marocains de la société civile, dans l’atmosphère politique qui a suivi le Mouvement du 20 février 2011 [^2]. Les débats menés depuis plusieurs années, entre autres au sein du Forum social Maghreb-Machrek, du Forum social mondial et du Forum marocain des alternatives sociales, continuent à jouer un rôle moteur dans cette voie complexe, à mon sens la seule porteuse d’espoir. Je n’en surévalue pas l’impact, mais c’est un indicateur nouveau de la maturité des deux peuples. Par ailleurs, la société sahraouie, nomade et pastorale, a été sédentarisée et urbanisée à marche forcée. Une forte injection du budget public marocain a modifié les rapports entre les jeunes générations et les grandes familles sahraouies, attisant le sentiment d’inégalité. L’instrumentalisation par Rabat de ces modifications a aussi déterminé de nouveaux rapports entre la société sahraouie et le Polisario. Ces confrontations ont mis les autorités marocaines en grave difficulté [^3], les poussant aux négociations actuelles. Enfin, le conflit occupe désormais une place nouvelle au sein d’enjeux maghrébins, sahéliens et méditerranéens.
La question du Sahara occidental était jusqu’alors représentée comme l’obstacle à la construction d’un Maghreb des peuples. La fragilisation des États du Sahel et la déstabilisation induite au pourtour par les jihadistes et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) du Mali ont provoqué un basculement. Aujourd’hui, le conflit du Sahara est considéré par les militaires français et américains comme la source potentielle d’un élargissement de la base d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans toute la région. Ce sont les puissances impérialistes qui demandent la résolution de la question du Sahara. L’attractivité pour la jeunesse sahraouie de Tindouf à l’égard d’Aqmi est notoire. Elle inquiète au plus haut point les États maghrébins, subsahariens et européens, et surtout le Polisario. Cette jeunesse sans avenir des camps lorgne vers des groupes jihadistes qui roulent carrosse et prônent une idéologie intégrative dépassant les clivages des appartenances tribales et familiales. L’épisode de l’enlèvement, il y a quatre ans, de deux Espagnols travaillant au sein d’ONG dans les camps sahraouis a troublé. Aurait-il été possible sans des complicités intérieures ? Ainsi, le temps ne joue plus pour le Maroc, qui partage désormais avec le Polisario et l’Algérie l’objectif d’aboutir au plus vite afin de ne pas perdre le contrôle de la région.
D’où la nouvelle offre politique de Rabat au Polisario. Après la tentative d’annexion des années 1970, provoquant un tollé international, puis la proposition (contrainte) du référendum des années 1990 [^4], le Maroc propose aujourd’hui un plan d’autonomie avec une répartition séduisante des attributions. L’État marocain conserverait la défense et les relations extérieures, les populations sahraouies géreraient démocratiquement leurs affaires à travers des instances législatives, exécutives et judiciaires dotées de compétences exclusives. Deux points d’achoppement hypothèquent cependant cette offre : le retour des réfugiés [^5] et l’éventualité d’un chemin allant de cette autonomie à l’indépendance. Avec les pressions de la France et des États-Unis, soucieux de sécuriser la région, le Maroc et le Polisario trouveraient un intérêt commun à faire montre de bonne volonté par l’annonce d’un progrès dans les négociations.
[^2]: Mouvement de contestation né du Printemps arabe.
[^3]: Citons notamment, en 2010, la répression du mouvement de revendication sociale du camp de Gadim Izgid (près de Laâyoune, première ville du Sahara), qui fit treize morts, selon l’Association marocaine des droits humains.
[^4]: Jusqu’en 1994, le ministre de l’Intérieur et les Sahraouis ont discuté, sans qu’un accord n’ait été obtenu, sur la composition des fameuses listes électorales (qui est « sahraoui », qui peut voter, etc.).
[^5]: Le Maroc demande aux Nations unies un recensement de la population sahraouie des camps de Tindouf.
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