Trois femmes puissantes

Après un long silence, le trio Sleater-Kinney revient avec un album d’une ampleur inédite.

Jacques Vincent  • 2 avril 2015 abonné·es
Trois femmes puissantes
No Cities To Love, Sleater-Kinney, SubPop/Pias.
© Brigitte Sire

Greil Marcus, le célèbre critique américain n’y est pas allé de main morte le jour où, dans Time Magazine, il a qualifié Sleater-Kinney de meilleur groupe de rock américain. Si le propos peut être jugé quelque peu excessif, il n’en reste pas moins que ce trio féminin et féministe mérite plus que jamais que l’on s’y intéresse de près. Avec d’autant plus d’insistance qu’un nouvel album, No Cities To Love, marque son retour après dix ans de silence et qu’il constitue sans doute ce que le groupe a produit de meilleur.

Formé en 1994, à Olympia, dans l’État de Washington, dans une proximité d’esprit avec le mouvement Riot grrrl, Sleater-Kinney a toujours marqué un ancrage profond dans le rock. En témoignent nombre de titres de ses chansons : « You’re No Rock’n’roll Fun », « The Hot Rock », et évidemment l’excellent « I Wanna Be Your Joey Ramone » et son refrain : « Je veux être ton Joey Ramone/avec des photos de moi sur la porte de ta chambre. » Dans un autre genre, l’anti-Bush « Combat Rock », qui reprend le nom de l’ultime album des Clash, rappelle que le propos politique a aussi régulièrement constitué une marque importante du trio. Dans une formation atypique toujours à l’œuvre, comprenant deux guitares et une batterie, Sleater-Kinney est parti d’une pure énergie punk, pour évoluer vers une pop très électrique (l’album All Hands On The Bad Ones en 2000), puis un son de plus en plus abrasif. Ce nouvel album en offre une version tendue à l’extrême et d’une puissance phénoménale. Le groupe prend ici une ampleur sonore inédite à ce jour grâce, en particulier, à un jeu de batterie qui tient plus du cyclone que d’une rythmique classique, et à la production de John Goodmanson, déjà à l’œuvre sur plusieurs de leurs disques précédents, mais qui n’avait jamais atteint un tel degré d’efficacité.

Le trio insiste dans ses interviews sur l’exigence et l’implication totale que nécessite une telle musique. Cela ne surprendra guère la partie des auditeurs embarqués dans le tourbillon sonore d’un disque qui ne laisse aucune place à un quelconque compromis entre rejet et adhésion totale. « Nous voulons que ces chansons soient intimidantes », ajoutent les filles. C’est peu dire que le résultat ne désavoue pas ce parti pris.

Musique
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