Urgent : cherche gauche pour autre politique !

Les incantations du PS à l’union des forces progressistes ont peu de chance d’aboutir sans un changement de cap. L’autre gauche cherche à réunir les opposants à la politique du gouvernement.

Michel Soudais  • 2 avril 2015 abonné·es
Urgent : cherche gauche pour autre politique !
© Photo : AFP PHOTO / MARTIN BUREAU

Cinq minutes chrono. Manuel Valls n’aura pas eu besoin de plus de temps pour tirer, dimanche soir, les leçons des élections départementales. Contrairement au premier tour, où dans un complet déni de réalité il avait jugé « honorables » les résultats de son camp, le Premier ministre a cette fois reconnu la victoire « incontestable » de la droite parlementaire et « un net recul » de la gauche. Tout en évitant soigneusement d’employer les mots « défaite » et « échec », quand les résultats présentent pourtant toutes les caractéristiques d’un vote sanction.

La gauche, dans son acception la plus large, perd au moins 27 départements sur les 61 qu’elle dirigeait ; peut-être 29 à l’issue de l’élection des présidents des conseils départementaux, le 2 avril. Au registre des pertes, des bastions socialistes comme les Bouches-du-Rhône, le Nord, ou les Côtes-d’Armor. Mais aussi les terres d’élection des principales figures du PS : la Corrèze (François Hollande), l’Essonne (Manuel Valls), la Seine-Maritime (Laurent Fabius), les Deux-Sèvres (Ségolène Royal)… Avec 1 028 sièges, contre 1 439 avant le scrutin, les socialistes enregistrent un déficit de 411 sièges (- 28,6 %) et disparaissent de trois départements (Haute-Savoie, Yvelines et Var). Face à cette quatrième défaite dans une élection intermédiaire, l’exécutif et la direction du PS minimisent l’ampleur de leur déroute. Jean-Christophe Cambadélis y voit  « un recul d’implantation sans être une débâcle ». La défaite est « moins importante que ce qu’on avait prévu, on résiste assez bien », assure sans ciller Eduardo Rihan Cypel, un des porte-parole du PS. « On savait que ces élections seraient difficiles », explique un conseiller du président de la République, car, en dépit d’ « un frémissement, les résultats économiques et sociaux ne sont pas encore perceptibles ». On ne saurait mieux signifier que la ligne économique du gouvernement, critiquée par une partie de la majorité (voir p. 8), les écologistes et la gauche de gauche, ne changera pas. La « résistance » dont se prévaut l’exécutif doit toutefois être nuancée. Elle doit beaucoup au mode de scrutin qui permet qu’un parti, le FN en l’occurrence, ayant obtenu 25 % des voix n’obtienne au final que 62 élus (1,51 %). Et fait fi de la grève du vote : à peine un électeur sur deux (49,98 %) seulement s’est déplacé pour voter dimanche, et 8,32 % de ceux-là l’ont fait pour voter blanc (1 148 108 bulletins, 5,69 % des votants) ou nul (530 421 bulletins, 2,63 %). Mais les institutions de la Ve République sont ainsi faites qu’elles permettent de gouverner sans soutien populaire et même sans véritable majorité à l’Assemblée, selon le bon vouloir du président de la République.

Intouchable, ce dernier est aussi réputé infaillible. Son action ne recueille pas l’assentiment des électeurs ? Ce n’est pas lui qui est en cause, mais le défaut de soutien de ceux qui, après l’avoir porté au pouvoir, auraient le devoir et l’obligation de se ranger derrière lui. Tel est l’arrière-fond de l’unique argument avancé par les principaux responsables socialistes pour expliquer leur échec. « Nous avons perdu par bêtise politique, par division factice », a ainsi déclaré Bruno Le Roux, le président du groupe des députés socialistes à l’Assemblée nationale. L’explication n’est pas nouvelle. C’est déjà celle que la direction du PS avait servie en 2002 pour expliquer l’élimination de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle. Jamais le PS, y compris lors du congrès qui a suivi, à Dijon, en mai 2003, n’a admis que les concessions du gouvernement Jospin au libéralisme, notamment pour le passage à l’euro, puissent être responsables de cette défaite. Et c’est encore pour éviter que se répète en 2017 le scénario noir du 21 avril 2002 que Solférino insiste tant sur le « nécessaire rassemblement de la gauche », voulu autour du PS, et aussi derrière lui. Avant même les résultats de dimanche, Jean-Christophe Cambadélis a ainsi invité les formations de gauche à des réunions « au sommet », en vue de construire une alliance de gauche et des écologistes pour les prochaines élections régionales. Une gageure au vu des désaccords, qui n’ont rien de factice, mais qui touchent au cœur de la politique du gouvernement. Si la première de ces rencontres a eu lieu lundi entre le PS et EELV et a initié la mise en place de quatre « groupes de travail » sur la « situation économique », les thématiques « proprement écologistes », «  le programme et la montée du Front national » et « les questions électorales », Emmanuelle Cosse a toutefois averti que le PS ne pourrait continuer à tenir le « discours de “rien ne change” ». « La gauche ne doit pas seulement parler, elle doit commencer par agir », a fait savoir pour sa part le PCF dans un communiqué qui réclame, entre autres, la « suppression immédiate des baisses de dotations aux collectivités locales » et « l’arrêt de la discussion sur la loi Macron  […], et de celle sur le projet de loi Santé » .

Sans dire tout à fait non à une rencontre avec les socialistes, le PCF envisage un autre rassemblement. Dimanche soir, son secrétaire national, Pierre Laurent, estimait urgent de s’atteler à « la construction d’un mouvement de gauche, alternatif, ample et populaire ». Et appelait les écologistes, les socialistes opposés à la politique du gouvernement, les militants de Nouvelle Donne, mais aussi les syndicalistes et les citoyens à y participer aux côtés des communistes et autres composantes du Front de gauche. Un spectre politique assez conforme à celui des signataires des Chantiers d’espoir, dont plusieurs réunions sont annoncées le 11 avril. Dans une tonalité assez proche, Jean-Luc Mélenchon a appelé à créer avec « les partis et personnalités de l’opposition de gauche  […] une nouvelle alliance populaire, crédible, indépendante du gouvernement ». L’ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle souhaite toutefois, ce qui le distingue de son allié communiste et des pratiques des écologistes, que ceux qui y participeront constituent « une alliance visible » et en finissent avec les « alliances à géométrie variable ». Bref de tourner le dos, pour de bon, au Parti socialiste. Les voies de l’union à gauche préfigurent une longue marche.

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