Comment l’ORTF préparait la télé d’aujourd’hui
Un documentaire sur l’audiovisuel français de 1964 à 1974. Foin de nostalgie, des archives éclairantes.
dans l’hebdo N° 1355 Acheter ce numéro
Pas des bottes de postes : 5,4 millions de petits écrans trônent dans le salon des Français en 1964, quand la Radiodiffusion-Télévision Française (RTF) se mue en Office de Radiodiffusion-Télévision française (ORTF). Une lettre de plus pour moderniser le service public audiovisuel.
L’ORTF existera dix ans, jusqu’à son éclatement en 1974 : Radio France, TF1, A2, FR3, TDF, INA, et SFP. Rue Cognacq-Jay règne l’information, la fiction est installée aux Buttes-Chaumont, tandis que la Maison de la radio accueille les émissions en public. C’est le temps des jeux, des divertissements. Le temps de « Saturnin », de « 36 chandelles », de « La piste aux étoiles », des femmes tronc (les fameuses speakerines), des interludes interminables quand la technique déraille, de « Tilt magazine », présenté par Michel Drucker, de Guy Lux, d’un télé-crochet, « Le Jeu de la chance », et de « La Caméra invisible » (un programme importé des États-Unis, déjà !). C’est aussi le temps des « Dossiers de l’écran », premier débat interactif, qui, chaque mardi soir, vide les salles de spectacle, d’« Au théâtre ce soir », privilégiant les pièces de boulevard, des journaux de Claude Darget, après qu’Alain Peyrefitte, ministre de l’Information, a validé au préalable les sujets politiques présentés au 20 heures.
Une information politique sous contrôle, malheureusement pas assez évoquée dans ce documentaire, comme les démissions et les évictions qui suivront Mai 68, ou encore le coup de gueule de Maurice Clavel dans « À armes égales » et son « Messieurs les censeurs, bonsoir ! », en décembre 1971, qu’on revoit en images, mais dont le contexte n’est pas rapporté (un reportage de Clavel sur le rapport ambigu de Pompidou avec la Résistance, coupé au montage). Il n’empêche. S’il n’est pas ouvertement politique, ce documentaire de Jacques Pessis présente un autre intérêt. D’abord, foin de nostalgie dans ce film d’archives, dont certaines sont peu connues, d’autres oubliées (où l’on découvre la première télé de Christophe chantant « Aline », les adieux à la scène de Brel, la retransmission chaotique des premiers pas sur la Lune). Des archives qui révèlent combien toute la télé contemporaine s’est mise en place dans ces seules dix années, et qui soulignent combien ces programmes inspirent encore les grilles actuelles, s’avancent avec les mêmes ressorts : le divertissement, le talk-show. Avec la lie et le diamant (Guy Lux et Jean-Christophe Averty), dans ces années de nouveautés. De fait, que propose de plus la télé d’aujourd’hui, sinon la télé-réalité ?