La grossesse pour la Banque Postale : un ventre nu sans tête
Depuis des mois, des années ?, à chaque accès à mon compte de la banque postale je tombe sur un ventre nu de femme enceinte, sans tête, mais avec pubis et sexe, en pantalon.
Déjà ça m’a énervée au départ ce gros plan qui, sous couvert de mise en valeur de la grossesse, n’est toujours que de l’étalage de viande féminine. Et puis une femme sans tête c’est toujours odieux. Ce qui intéresse d’une femme c’est seulement son corps, sa tête et ce qu’elle contient n’a aucune importance. On manipule son corps et elle n’a qu’à accepter.
Je consulte mon compte à ma banque et j’ai cette agression à chaque fois.
Naissances et non-naissances
Pour moins de 750 000 naissances par an en France[^2], dont combien de clients ?, on assomme tous les autres.
Et tous[^3] les autres ? Ceux qui n’en ont rien à faire des enfants, ceux qui n’en veulent plus, ceux qui en veulent et ne peuvent pas ou plus en avoir, ceux qui attendent leur enfant à adopter avec anxiété, ceux dont le leur vient de mourir, ceux qui viennent d’avoir une fausse couche, (une femme sur quatre a eu ou aura une fausse couche au premier trimestre, au moins une fois), ceux qui pratiquent ou vont pratiquer une IVG[^4] (plus d’un quart du nombre de naissances vivantes[^5]), ceux qui ont accouché ou vont accoucher d’un enfant atteint d’une maladie grave ou gravement handicapé, ceux qui pratiquent ou vont pratiquer une IMG[^6], possible jusqu’au terme de la grossesse, celles qui se retrouvent, malgré elles, enceintes, ont raté le coche ou n’ont pas pu se faire avorter et angoissent à l’idée de ce bébé non désiré, celles qui sont seules, malgré elles, et voient cette paire de mains d’hommes amoureusement posées sur le ventre de la femme, la liste n’est pas exhaustive.
Princesse contre réalité
Ils sortent de quelle société ceux qui pensent que grossesse = joie, bonheur, allelouia ?
Ils sortent d’où ceux qui ne voient dans la grossesse qu’une princesse, un prince charmant, chapeautés par une fée ?
Dans les médias, la pub, on ne montre que les bons côtés, quand ça se passe bien.
Mais ce n’est pas la majorité des cas. Et on n’aborde pas vraiment ces sujets-là – ou très à la marge, anecdotiquement -, comme on n’aborde aucun sujet difficile des femmes, aucune de leurs préoccupations, de leurs véritables préoccupations je veux dire, de leur vie hormonale de femme, de la gynécologie, des règles, de la ménopause, des infections, de l’accouchement, du désir, et autres événements naturels, normaux, biologiques, tout comme on les étudie très peu.
L’abord est soit moqué – réflexion sur l’humeur des femmes pendant leurs règles – soit embelli – voir cette pub de la banque -, et tout est généralisé.
Or, il existe de très nombreuses manières de vivre tous ces événements, il y a autant de vies hormonales et d’événements, ou pas, qu’il y a de femmes.
Alors que la banque enlève ce ventre nu, associé à un sexe, de femme, toujours sans tête, seuls éléments de la photo, et qu’elle respecte les femmes, leurs clientes en premier lieu, en arrêtant de leur imposer cette vision tronquée à chaque connexion.
[^2]: Statistique INSEE.
[^3]: J’emploierai, pour plus de facilité, le masculin dans ce paragraphe, car les hommes sont aussi concernés, je respecterai donc la grammaire française.
[^4]: Interruption volontaire de grossesse.
[^5]: Source Ined.
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