L’arnaque du traité de Lisbonne
À peine élu, Nicolas Sarkozy s’emploie à effacer la révolution citoyenne de 2005. Avec la complicité de responsables du PS.
dans l’hebdo N° 1355 Acheter ce numéro
Cinq semaines après sa prise de fonction à l’Élysée, le 22 juin 2007, Nicolas Sarkozy s’accordait avec ses homologues européens sur les grandes lignes d’un traité destiné à remplacer le texte rejeté par les Français et les Néerlandais deux ans plus tôt. Il apparaît vite que ce prétendu « mini-traité », annoncé au cours de sa campagne présidentielle sans plus de précisions, « reprend l’essentiel des dispositions du traité constitutionnel », comme s’en félicitera Valéry Giscard d’Estaing, sans prendre en compte aucune des exigences soulevées par ses opposants. Les dispositions extrêmement précises qui fixent le cadre des politiques économiques, au cœur de la contestation exprimée le 29 mai 2005, restent inchangées. L’astuce des Vingt-Sept, déterminés à passer outre la volonté populaire, consiste à ne présenter dans ce nouveau traité, et de manière éclatée, que les modifications apportées aux traités antérieurs. Sur la forme, ce texte, que la propagande élyséenne présente comme un « traité simplifié », est très technique.
« Le but du traité constitutionnel était d’être plus lisible… Le but de ce traité est d’être illisible… C’est un succès », s’extasie le ministre belge des Affaires étrangères, Karel de Gucht. Il s’agit en effet d’éviter que ce texte apparaisse comme constitutionnel et nécessite dans plusieurs pays des référendums que Bruxelles et Angela Merkel, à la manœuvre derrière le chef de l’État français, savent perdus d’avance. En marge d’un discours devant le Parlement européen, Nicolas Sarkozy reconnaît l’existence d’ « un gouffre entre les peuples et leurs gouvernements » ; dans tous les pays, « un référendum mettrait en danger l’Europe ». Il n’y en aura donc pas, hormis en Irlande, où c’est une obligation institutionnelle. Deux scrutins y seront nécessaires pour arracher le consentement des électeurs qui avaient d’abord dit « non » en juin 2008. L’adoption du traité de Lisbonne, signé fin 2007 par les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne dans un monastère de la capitale portugaise, est rondement menée. En France, une modification de la Constitution de la Ve République est nécessaire. Pour l’obtenir, faute d’un recours au référendum, Nicolas Sarkozy doit en passer par un Congrès (réunion des deux chambres du Parlement) et y obtenir une majorité des 3/5 des suffrages exprimés des députés et sénateurs. Une majorité impossible à réunir sans l’appoint de quelques socialistes.
L’exigence d’un référendum pour tout nouveau traité était un engagement électoral des candidats du PS à la présidentielle et aux législatives de 2007, inscrit dans le projet que les militants avaient adopté. Une promesse de campagne vite oubliée par François Hollande. Le 29 octobre 2007, le premier secrétaire assure à la télé que les socialistes « sont majoritairement pour voter ce texte ». « De toute manière, nous le laisserons passer », annonce-t-il, sans avoir engagé le moindre débat interne. De fait, le PS renonce à imposer un référendum à Nicolas Sarkozy, prônant l’abstention lors du vote au Congrès, le 4 février 2008, sur la modification de la Constitution préalable à la ratification du traité. Celle-ci est acquise trois jours plus tard, à l’Assemblée nationale, 121 députés socialistes sur 205 appuyant ce déni de démocratie.