« Le Hareng de Bismarck », de J-L Mélenchon : Derrière l’Allemagne, l’avenir de l’Europe
En ciblant notre grand voisin dans son dernier essai, Jean-Luc Mélenchon poursuit le combat pour la refondation et la régénération démocratique de l’Europe.
dans l’hebdo N° 1352 Acheter ce numéro
Jean-Luc Mélenchon n’est pas François Hollande. Le chef de l’État avait apprécié qu’Angela Merkel lui offre, l’an dernier, au cours d’un week-end au bord de la Baltique, un tonnelet de « harengs Bismarck » au son d’un lied nostalgique de la Grande-Poméranie sur un bateau baptisé Nordwind. L’ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle y voit, lui, un affront : Bismarck, rappelle-t-il, est l’agresseur de la France qui fit couronner le premier empereur des Allemands à Versailles ; une partie de la Poméranie se trouve en Pologne, et l’Allemagne a dû renoncer à la revendiquer en 1990, sous pression notamment de la France ; et Nordwind « était aussi le nom de la dernière offensive en France des armées allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale » .
Cette anecdote, qui ouvre son nouvel essai et lui donne son titre, est pour le cofondateur du Parti de gauche emblématique de « l’arrogance injurieuse des dirigeants et médiacrates allemands actuels ». L’ouvrage, bien qu’il se présente comme un « pamphlet », regorge d’informations méconnues que l’auteur convoque pour montrer combien le prétendu modèle allemand est « une imposture qui réunit les ingrédients d’une terrible déflagration ». Au fil des pages, le lecteur y découvre ainsi les travers d’un « anti-modèle écologique », voué par nature à la pollution maximale, qui n’est pas socialement plus enviable : natalité en berne, jeunesse qui s’expatrie, réduction de l’espérance de vie, sous-investissement, précarisation des chômeurs et des salariés… Un système fondé sur une surexploitation de la main-d’œuvre bon marché des anciens pays de l’Est, quasiment annexés économiquement. Mais la véritable cible de l’ouvrage n’est pas tant l’Allemagne que sa « doctrine politique [qu’elle veut] imposer partout » et singulièrement dans l’Union européenne : l’ordolibéralisme, un « poison allemand » partagé par la CDU et le SPD, devenu « l’opium des riches » sur tout le continent. Même quand il dénonce « l’expansionnisme germanique », Jean-Luc Mélenchon, en analyste matérialiste, n’y voit « rien que de rationnel ». Et si l’ouvrage invite à une « confrontation » avec l’Allemagne actuelle, celle-ci « n’opposera pas le peuple français au peuple allemand » mais « les deux peuples à l’oligarchie ». L’auteur y voit la condition d’une « refondation de l’Europe » et de sa « régénération démocratique ». En somme, un détour obligé.