Les écologistes s’éloignent du PS

Les assemblées locales ont plébiscité l’autonomie au premier tour des régionales. Les tenants d’un retour au gouvernement sont en minorité.

Patrick Piro  • 7 mai 2015 abonné·es
Les écologistes s’éloignent du PS
© Photo : CITIZENSIDE/AURÉLIEN MORISSARD/AFP

François de Rugy ne s’attendait certes pas à voir triompher la motion qu’il défendait, lors de l’assemblée générale régionale des Pays-de-la-Loire. Mais samedi dernier, avec 14,6 % des voix sur son texte « d’ouverture », c’est un franc désaveu de la position du coprésident du groupe des députés EELV, favorable à un retour rapide des écologistes au gouvernement. L’aile radicale du parti, qui lorgne vers le Front de gauche, fait dans le même lieu 23,1 %, alors que les tenants de l’autonomie, à leur surprise, arrivent largement en tête avec 62,8 %.

La majorité des régions, nombreuses à avoir tenu des assemblées générales ces dernières semaines, ont nettement affiché leur préférence pour l’autonomie pour le premier tour des élections régionales de décembre prochain. Si ce n’est pas une surprise (cette stratégie est habituelle chez les écologistes), la tendance semble s’accentuer par rapport à 2010. En Île-de-France, le plus important contingent EELV avec un tiers des militants ainsi qu’une majorité de cadres, la motion « pro-gouvernement » portée le maire de Sevran, Stéphane Gatignon, et le chef de file des sénateurs, Jean-Vincent Placé, est devancée, avec 25 % des voix, par les partisans d’une ouverture de discussions avec le Front de gauche (27 %). Un résultat qui leur a permis d’obtenir une fusion avec le texte soutenu par la secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse, et la députée Cécile Duflot, prônant une stricte autonomie du parti, qui n’obtient que 43 % des suffrages. « C’est la première fois, en situation d’alliance, que le pôle central ne se tourne pas sur sa droite, se félicite Élise Lowy, membre de l’aile gauche. Ce qui ne manquera pas d’influencer l’équilibre national du parti. »

La région Rhône-Alpes-Auvergne vise même plus loin. Inspirés par l’accord entre EELV, le Parti de gauche et un pôle associatif et citoyen qui a mené Éric Piolle à la tête de la mairie de Grenoble, les militants locaux l’ont dupliqué lors des départementales de mars en Isère, en y incluant Ensemble !. Et, lors des assemblées générales régionales EELV, une motion regroupant l’aile gauche et les amis de Cécile Duflot a recueilli les deux tiers des voix sur cette option stratégique en vue des régionales de décembre, devançant la motion pro-autonomie de Jean-Paul Besset. Une liste EELV-Front de gauche aux régionales ? Plusieurs sherpas y travaillent. Cependant, un ralliement du PCF, qui s’est tenu à l’écart des alliances grenobloise et iséroise, paraît hors d’atteinte tant les points de divergence sont forts – ligne ferroviaire Lyon-Turin, Center Parcs à Roybon, etc. « Et comme le Front de gauche n’entend pas se désunir pour ce scrutin, il devrait partir seul au premier tour, comme le PS et nous-mêmes », pronostique à regret Alain Coulombel, conseiller régional EELV. En dépit de son faible écho en régions, la stratégie du « pragmatisme », portée notamment par François de Rugy, les députés Barbara Pompili et Denis Baupin, ainsi que le patron des sénateurs Jean-Vincent Placé, n’est cependant pas enterrée. Ses tenants, rassemblés le 4 avril avec des personnalités de petits mouvements écologistes (Cap 21, le Front démocrate, le MEI, Génération écologie, Mouvement de progressistes, etc.), ont évoqué la perspective de constituer une « confédération ».

Le projet est la conséquence du désaccord de plus en plus irréductible d’une frange d’EELV avec la ligne Duflot, « dont le départ du gouvernement a imposé au parti un choix stratégique sans débat. Il n’est pas étonnant que la question resurgisse ! », défend François de Rugy. La tension est montée d’un cran avec l’avertissement sévère lancé le 14 avril par le bureau exécutif (BE) du parti, rappelant qu’il peut suspendre « en urgence » des adhérents et enjoignant aux frondeurs de « cesser immédiatement leur comportement nuisible » pour le mouvement. « On cherche des boucs émissaires ! Veut-on étouffer le débat en excluant ceux qui le posent ? », interroge François de Rugy, qui propose sa lecture des assemblées régionales, qui ont vu en Normandie le numéro 2 du parti, David Cormand, « à la pointe de cette stratégie de tension maximum, mis en échec dans sa tentative d’alliance avec le Front de gauche ». Emmanuelle Cosse a appelé à un retour à la sérénité. Il n’est pas sûr qu’elle soit entendue lors du prochain conseil fédéral des écologistes, le 8 mai, dont le débat d’actualité politique sera largement consacré à ces divergences, qui pourraient conduire au départ prochain de plusieurs personnalités du mouvement.

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